Historia est un magazine fort sérieux destiné à éclairer les revues qui s’intéressent à l’histoire. A notre connaissance il diffuse des messages rigoureux et bienvenus, parce que l’historiographie n’est pas très connue en France : l’histoire de France elle-même a été écrite par des auteurs souvent aveuglés par leur idéologie. Par exemple pour les uns la vraie Révolution Française – donnée en exemple aux étrangers mais aussi aux écoliers, collégiens, lycéens, étudiants français – commence en 1789, pour d’autres en 1973.
Serge Schweitzer est féru d’histoire, et publie des ouvrages et des articles que nous pouvons tenir pour scientifique et apprécier. Il nous indique qu’Edouard Philippe, créateur et tête de liste de Renaissance, a donné une interviex à Historia. Il remonte l’histoire de sa famille jusqu’à son grand’père, docker cégétiste sur le poort du Havre, et dont il est fier. Il explique ensuite comment ses opinions politiques ont évolué, du Parti Socialiste à Renaissance, avec une confidence intéressante :
« Au fil de mes études, au gré des rencontres, des voyages, des lectures, dont celle décisive de La Route de la Servitude (1944) de l’économiste autrichien Friedrich Hayek, qui érige la liberté en fondement de la vie en société, j’ai peu à peu glissé vers la droite. Sans renier mes engagements de jeunesse ni mon arrière-grand-père ».
Les libéraux ont toujours soutenu que la vie politique française devra tôt ou tard se mettre à l’heure du libéralisme[1], car aucun pays ne peut se dire libre avec des taux records de dépenses publiques (57 %du PIB) de prélèvements obligatoires (48%) de dette publique (130%), et encore moins avec le contrôle de l’information, de l’éducation, de la vie privée. Edouad Philippe a doublement raison : nous sommes sur la voie de la servitude, et il faut une rupture avec le despotisme et le populisme.
Nous devons cependant lui reprocher une erreur et formuler un doute. L’erreur est grave : il affirme que Hayek l’a fait « glisser vers la droite ». Mais quelle droite : Giscard, Chirac, Balladur, Sarkozy, Macron, Rachida Dati ? Les libéraux ont fait le constat : la droite française n’a fait que du socialisme ou de la sociale-démocratie depuis 1944. Alors peut naître un doute : ne revêt-il pas les habits de la droite pour capter les suffrages d’électeurs tentés par un vote Le Pen (vote de rejet de Macron et de la gauche qui le soutient – de Bone à Séjourné- ou plus simplement des abstentionnistes qui n’ont pas encore identifié un candidat, qui en 2027 proposerait une offre politique de totale rupture, revenant à l’Etat minimal, à la libre entreprise, au libre échange et à la privatisation d’un secteur public inefficace et ruineux alors qu’il concerne des domaines décisifs comme l’éducation, la santé, le logement, les transports, la culture, etc. Mais ce doute est peut-être inspiré par le pessimisme ou notre mauvaise foi. On verra Renaissance et Edouard Philippe à l’œuvre.
[1] Cela a failli se faire avec Giscard (1974) Chirac (1986 et 1995) et Fillon (2017) mais chaque fois les « hommes providentiels ont trahi l’électorat libéral (sauf Fillon liquidé par une justice expéditive). Georges Pompidou avait aussi déclaré « Il faut cesser d’emmerder les Français », critiquant le dirigisme, ennemi naturel du libéralisme.