Elle n’est pas n’importe qui. Ministre de la Ville dans le gouvernement Borne, elle est devenue Ministre de la Citoyenneté et de la Ville dans le gouvernement Attal. C’est sans doute parce qu’elle est une citoyenne exemplaire, elle se sent en mission dans la cité la plus connue de France après Paris. C’est Marseille, qui va devenir Marseille en Grand grâce aux soins et aux millions que lui apporte le Président de la République depuis septembre 2021. On entend même dire qu’Emmanuel Macron vise la mairie de Marseille pour sa retraite après 2027!
Dans une longue interview au Figaro du samedi 17 février Sabrina Agresti-Roubache aborde des sujets forts divers, mais qui ont en commun de mettre en valeur son sens de la communication qui n’a d’égal que son sens politicien et assez souvent son sens de l’absurde.
Un de ses thèmes favoris est l’articulation entre l’Etat et les élus locaux. L’Etat a tous les mérites. D’abord il finance abondamment les villes. C’est sans doute généreux, il ne regarde pas à la dépense – possible grâce à l’argent des contribuables et à la dévaluation de l’euro. Ensuite il agit beaucoup : jusqu’à présent aucune erreur, mais il faut attendre que les initiatives prennent du temps (transformer les transports comme le métro de Marseille peut prendre des années), l’Etat fait bien mais sans doute les Français ne s’en aperçoivent-ils pas.
Par comparaison les élus locaux n’exploitent pas les occasions et les crédits que l’Etat leur offre, il y a des conflits entre eux, entre les différents niveaux de décision, mais ce n’est pas à un Ministre d’en parler. « Moi je ne suis ni présidente de la communauté ni le maire de Marseille » Mais Sabrina rappelle que peut remarquer qu’il y a manque de consultation des citoyens, c’est ce qui se passe à Marseille à propos du parc immobilier dans certains quartiers, elle va s’en occuper tout de même en sa qualité de responsable de Marseille en grand, et c’est ce qui se passe à propos de la drogue.
La drogue est au cœur de l’interview, puisque la drogue est au cœur de Marseille. Cela suggère à Madame le Ministre d’intervenir en faveur du collectif des parents de victimes des règlements de compte. Elle va d’abord donner au collectif un bureau « appartenant à l’Etat et non plus à un bailleur privé » (qui sans aucun doute exploite son locataire, comme d’habitude) Elle va ensuite donner à ces parents le statut de victimes (un statut ouvre certainement accès à de nouveaux droits sociaux). Forts de ce statut, les familles vont être relogées, car « pour quelqu’un qui perd un enfant la vie est finie mais il doit continuer à vivre ? Je prends l’engagement de reloger systématiquement les familles pour qu’elles n’habitent plus là où leurs enfants sont morts ». Dans cette approche pourquoi ne pas étendre ce nouveau droit social à tous les parents qui ont vu leurs enfants mourir dans leur logement ? La réponse est sans doute que ces enfants-là, morts par suite d’un règlement de comptes, avaient servi une noble cause pour laquelle ils ont dramatiquement et injustement payé.
Vient alors l’initiative la plus originale qui soit : créer des « nourrices » pour la drogue. A première lecture on peut imaginer qu’il s’agit de réservoir de secours pour les drogués en difficulté – une nourrice d’essence est destinée à dépanner. Ici il n’en n’est rien : « Une nourrice c’est quelqu’un qui garde de la drogue pour les trafiquants ». Mais alors comment justifier leur apparition sur le marché de la drogue ? Il faut tout d’abord prendre en compte leur situation de famille qui les oblige à garder de la drogue « Dans la plupart des cas ce sont des femmes seules avec des enfants qui sont sous contrainte ». Mais il y a une autre raison, inattendue : ces nourrices pourront renseigner la police sur les trafics et les trafiquants, elles seront bien sûr l’objet d’une protection par ladite police. Gageons qu’elles seront peu nombreuses à tenter cet héroïsme. Mais qu’importe : Sabrina va proposer qu’elles aient un statut (ou une statue au cimetière ?) « Le statut pour les mères nourrices, c’est un combat » C’est un combat contre l’intelligence, à notre avis.
Puisque nous sommes sur la drogue, restons-y à propos des shoots à Marseille. Sur ce sujet il n’y a pas eu de concertation entre les élus locaux et les habitants (c’est le titre de l’article qui met en valeur cette anomalie). C’est dire que les élus marseillais ne comprennent pas leurs ouailles. Ou qu’ils les comprennent bien : oui aux shoots, mais pas dans notre arrondissement ! Madame le ministre tance un maire d’arrondissement qui refuse un shoot dans son quartier : qu’elle accepte alors de voir le trafic s’installer chez elle comme ailleurs – un excellent conseil qui ne cède en rien à la facilité. Madame le ministre a la solution : un shoot en milieu hospitalier, accompagné d’un message aux enfants « Une vie sereine et paisible possible, c’est de ne pas faire de bêtise ».
Concluons sur cette fameuse solution : les shoots hospitaliers ont été un échec parce que la drogue, même à l’hôpital, donne lieu à trafic. Aux Pays Bas et dans certains Etats des USA, les trafiquants viennent s’approvisionner et fournir la drogue à un public élargi. La drogue prend de plus en plus la route des ports, et il est difficile de la contrôler. D’ailleurs la dépénalisation de la drogue multiplie le nombre de drogués et des accidents mortels, sur la route ou à domicile. A l’inverse la prohibition n’a aucun effet : tout trafiquant arrêter laisse un nouveau créneau pour les concurrents installés ou potentiels. Oui, les enfants doivent être éduqués de façon à ne pas souffrir d’addiction, que ce soit au tabac, à l’alcool, à la drogue. Mais cela ne se fait pas à la légère, Madame Agresti-Roubache devrait se renseigner sur les programmes existants. Ce n’est pas l’offre de drogue qui doit être prise en compte, c’est la demande : pourquoi tant de drogués, pourquoi tant de jeunes drogués[1].
Mais en fin d’interview le journaliste du Figaro a posé la bonne question : votre intérêt pour le Marseille en Grand et le soutien du Président Macron ont-ils quelque chose à voir avec les municipales de 2026 ? « Je suis fille de Marseille et je resterai Marseillaise […] Je n’ai pas attendu la politique pour m’engager à Marseille ». Elle n’a pas répondu n’importe quoi, elle communique très bien
[1] F. L’article de Jacques Garello du 14 Janvier 2023 (Actualité) A Marseille on lutte efficacement contre le trafic de drogue. Mais en réalité on ne va pas au fond des choses : pourquoi des clients ?