Premier Ministre du gouvernement écossais, Présidente du Parti Indépendantiste, Madame Nicola Sturgeon vient de démissionner pour ne s’occuper désormais que de sa vie privée. Les commentateurs donnent deux raisons à cette décision inattendue.
Législation sur les transsexuels
La première a de quoi surprendre, elle concerne le rejet par le Parlement écossais d’un projet de loi concernant les transsexuels. Les Ecossais sont en très légère avance sur la France dans le domaine des « réformes sociétales » (Emmanuel Macron et Marlène Schiappa et les wokes s’y emploient cependant). A Edimbourg on a réfléchi aux conséquences peut être néfastes de la transsexualité, parce qu’un transsexuel, naguère de genre masculin et condamné pour viol (de plusieurs femmes) prétend maintenant bénéficier de tous les droits dont jouissent les femmes, en particulier les emplois, subventions et privilèges reconnus par la législation écossaise actuelle. Nicola Sturgeon avait présenté un texte allant dans ce sens, mais les parlementaires l’ont rejeté. Elle aurait donc été contrariée par cet échec, puisque jusqu’à présent elle semblait assurée d’une large majorité dans la classe politique écossaise. Lassée d’une carrière politique qu’elle avait commencée dès l’âge de 17 ans, elle serait donc désireuse de s’occuper enfin d’elle-même et de sa famille. Cette première raison pourrait en France inspirer de très nombreuses démissions : il vaudrait mieux avoir certaines personnalités à la retraite à la maison plutôt qu’à l’Elysée, à Matignon, ou au Parlement.
Les Ecossais ne sont pas Anglais
La deuxième raison nous paraît plus lourde de conséquences, parce qu’elle pose le problème de l’organisation du pouvoir politique, et le choix entre jacobinisme et subsidiarité. Ce problème concerne au plus haut point ce que l’on appelle la « Grande Bretagne ». En effet les Ecossais ont été historiquement désireux de ne pas être gouvernés depuis Londres. Ils sont catholiques, les Anglais sont anglicans (un catholicisme dont le Pape serait le roi ou la reine). Au 17ème siècle la dynastie des Stuart a occupé le trône du Royaume Uni. Les Ecossais sont en fait indépendantistes depuis l’origine (bretonne). Cela s’est traduit dans les votes intervenus au cours des dernières années, bien que les chiffres soient plutôt du 55 contre 45. Mais le Brexit, et ses conséquences à ce jour, ont renforcé le désir de rupture et les sondages actuels sont réellement en faveur des indépendantistes. Il semblerait qu’à quelques mois du succès de tous ses efforts Nicola Sturgeon ne se soit pas sentie en état de mener les négociations pour gérer la transition, mais aussi d’assurer la prospérité et l’harmonie au sein d’un pays lui-même divisé.
Le Royaume désuni
C’est qu’en fait le Royaume Uni n’a jamais été durablement uni. Certes les « Britanniques » se sont retrouvés côte à côte dans les moments difficiles de l’histoire, çà a été en particulier le cas au cours des deux guerres mondiales, et (un peu moins) dans le processus de décolonisation. De remarquables Premiers ministres comme les Pitt, les Peel, Disraeli, Gladstone, Baldwin, Churchill, Thatcher ont pu mener la « Grande Gretagne » au rang des premières puissances du monde. Mais les nations constitutives du Royaume Uni n’ont jamais rien perdu de leurs cultures. Ce qui se passe actuellement pour l’Ecosse s’est aussi passé (et avec le Brexit à nouveau) avec l’Irlande du Nord (ou du Sud). Il y aussi des indépendantistes chez les Gallois. Le tournoi de rugby a été à l’origine (1910) celui des cinq nations (avec la France).
En fait, et à la différence de la France qui s’est créée et développée par centralisation du pouvoir, et dont le jacobinisme a été accentué par la Révolution, la « Grande Bretagne » n’a jamais fait le choix. Son évolution sera-t-elle comme celle de l’Europe, passée de l’Europe des nations à l’Europe de Bruxelles ?
Le choix libéral : subsidiarité verticale
C’est le moment de rappeler que la liberté des peuples est menacée par un Etat jacobin, et que la liberté suppose un Etat minimal, dans tous les sens. Nous pensons d’abord à la la subsidiarité horizontale : l’Etat ne doit pas faire ce que la société civile peut réaliser sans recourir à la coercition, il n’est appelé qu’à titre subsidiaire. Si l’usage de la coercition est nécessaire, l’Etat central n’intervient que si les pouvoirs locaux, aux différents échelons, n’a pu régler le problème : c’est la subsidiarité verticale.
La balance de la liberté penche du côté du fédéralisme : le pouvoir fédéral réduit au minimum. Il est peut-être trompeur de parler de « domaine régalien » à propos de la police, de la justice et de la défense. Car le pouvoir nécessaire à l’exercice de ces trois missions peut être confié avec plus d’efficacité au niveau local (police par exemple) ou au niveau interétatique (la défense). Le « souverainisme » est donc une expression trompeuse, et peut légitimer le jacobinisme.
Ces concepts et ces choix sont plus actuels que jamais, car le pouvoir central s’est renforcé dans la plupart des pays libres, à commence par les Etats Unis, où Washington a voulu imposer sa politique contre celle des Etats membres : sécurité sociale (échec d’Obama), avortement, drogue, éducation. L’Allemagne fédérale a longtemps donné le bon exemple, mais seule la Suisse a su échapper à la tendance de ces dernières années. En France la subsidiarité a connu ses derniers instants avec la Présidence actuelle. La monarchie présidentielle a atteint un sommet. Les libéraux s’emploient à la supprimer, ils y réussiront sans doute, et la servitude volontaire prendra fin.