Mardi matin le quotidien catholique « La Croix » a salué avec émotion le décès du Père Gustavo Gutiérrez qui passe pour avoir créé et expliqué ladite « Théologie de la révolution ». Je ne vous ennuierai pas avec le détail de l’article, j’en extrais simplement quelques points forts :
1° « Une question le hante » : comment dire au pauvre que Dieu l’aime » le journaliste de La Croix a dû sauter plusieurs chapitres et versets des Evangiles, à commencer par le sermon sur la montagne. L’Eglise a toujours rappelé « l’option préférentielle pour les pauvres ».
2° Le message du père Gutiérrez a été bien reçu par le Vatican en une période où il était de bon ton de critiquer le commerce mondial qui passait pour une forme moderne de l’impérialisme des pays riches et colonisateurs. Gutiérrez était l’ami des économistes français et notamment du père Lebret, inspirateur de Paul VI pour l’Encyclique « Popularum Progressio ». Le pape explique le sous-développement par l’exploitation des ressources naturelles des pays pauvres par les pays riches. Les « termes de l’échange » se seraient dégradés (Raul Prebisch). Il se trouve que les pays pauvres émergeront dès qu’ils ouvriront leurs frontières au commerce et aux investissements des étrangers[1].
3° Gustavo Gutiérrez se présentait comme l’homme du Concile Vatican II réuni par le Pape Jean XXIII de 1962 à 1965 . Jean XXIII avait résumé la philosophie du Concile en disant « L’Eglise est et veut être l’Eglise de tous, et particulièrement l’Eglise des pauvres ». Il n’était pas question d’exclure de l’Eglise ceux qui n’étaient pas pauvres. La Bonne Nouvelle pour tous : cela n’a cessé d’être prêché par le Christ, par Saint Paul et tous les docteurs de l’Eglise.
4°Gustavo Gutiérrez a été un militant politique efficace. Il a prêché la Théologie de la Révolution non seulement dans son pays, le Pérou, mais dans tous les pays d’Amérique Latine, « aux Etats Unis dans la minorité noire, en Afrique en Asie, des théologies du tiers-monde s’éveillent ». Il obtient des participants au colloque de Medellin (1968, en Colombie)
la mise en accusation de la « violence institutionnelle » et, « dans certains circonstances la légitimité de l’insurrection révolutionnaire ». Le vocabulaire a quelque parfum de marxisme !
5°Le journaliste de La Croix ne peut taire le désaccord de Jean Paul II et de Benoit XVI. Il souligne cependant que Jean Paul II n’était pape que depuis cinq mois lorsqu’il vient remettre un peu d’ordre en Amérique Latine – comme si le Saint Père n’avait pas encore eu le temps de réfléchir. Jean Paul II est formel, il dénonce des « relectures de l’Evangile » « Cette conception du Christ comme politicien, révolutionnaire, le fauteur de subversion de Nazareth, n’est pas en accord avec la catéchèse de l’Eglise ». Quant au cardinal Ratzinger, alors archevêque de Munich et préfet de la Congrégation pour le doctrine de la foi, il convoquera Gutiérrez à Rome et le désaccord se terminera : le père de la révolution gardera désormais le silence.
[1] Cette vérité est rappelée par les travaux des derniers prix Nobel d’Economie. Cf. mon article ” Les dérapages monétaires du aux modèles de Bercy”, ” Quand va-t-on en finir avec la macro-économie mathématique?” du 22 octobre 2024 dans la catégorie Fondamentaux.