Comme vous j’ignore à cette heure si David Lisnard sera ou non membre du gouvernement,
et s’il sera Ministre de l’Economie et des Finances. Mais qu’importe ? Il a publié dans
l’Opinion d’hier matin un article qui peut être celui d’un patron de Bercy dès dimanche
(après acceptation par le Président de la République) ou celui d’un futur Premier Ministre
(on en a beaucoup parlé après Bertrand et Caseneuve), ou d’un futur Président de la
République choisi par Emmanuel Macron ou par les électeurs français conquis par l’homme
et séduits par un programme libéral.
Qu’on m’entende bien : la page écrite par David Lisnard est révolutionnaire dans ce pays et
je veux vous dire pourquoi et en quoi. Pourquoi ? Parce que c’est du libéralisme classique
dans toute sa rigueur. Et en quoi ? Parce que c’est la seule façon d’en finir avec les tares
budgétaires croissantes depuis 1974 (premier déficit budgétaire de la 5 ème république à
l’initiative de Giscard)
Des finances publiques gérées autrement
Dans cet article David Lisnard se réfère entre autres à deux changements à opérer en
urgence : la flat tax et l’effet Laffer.
La flat tax 1 existe déjà dans la fiscalité française mais on lui a donné un contenu et un sens
qui la rendent impopulaire à beaucoup de Français. La flat tax s’appelle PFU Prélèvement
Forfaitaire Unique, d’un taux global de 30 % « incluant 12,8 % au titre de l’impôt sur le
revenu et 17,3 au titre des prélèvements sociaux. L’assiette de ce « prélèvement » est faire
des « revenus de l’épargne et du capital : dividendes perçus par les actionnaires, intérêts
perçus par les obligataires ou les titulaires de livrets bancaires ou d’assurances-vie, mais les
revenus du capital immobilier sont frappés par un autre impôt, l’impôt sur la fortune
immobilière, dite IFI. Tout cela fleure bon la bureaucratie française, mais aussi le génie
français puisque c’est Emmanuel Macron qui a inventé ce PFU en 2018. La flat tax est
maintenant considérée comme « un cadeau fait aux riches (les gens ne savent pas que c’est
le taux le plus élevé en Europe et que les revenus du capital ne sont pas discriminés par
rapport aux autres sources de revenus). Mais il y a pire encore : depuis quelques heures on
discute sur la possibilité d’augmenter le taux de 30 % pour accroître les recettes budgétaires.
Il y a en cela un bon argument : le capital serait dans notre pays moins taxé que le travail. Il
est vrai que les salariés sont conscients de l’écart qui existe entre leur salaire brut et leur
salaire net de prélèvements, mais personne ne leur explique que c’est le système de
retraites actuel qui est à l’origine de cette spoliation. Pour leur part les libéraux sont
partisans du salaire complet et de la suppression de l’obligation de cotiser à la Sécurité
Sociale.
Qu’est-ce que les libéraux classiques entendent par flat tax ? Un seul taux d’imposition pour
tout prélèvement quelle que soit l’assiette : sur la dépense (TVA) comme sur les revenus,
quel que soit leur origine, et quel que soit le contribuable, riche, pauvre, classe moyenne,
actif ou retraité.
La flat tax est d’abord une suppression de la progressivité de l’impôt. Il est avéré que cette
disposition encourage les gens à travailler davantage, puisqu’ils ont le sentiment de travailler
pour eux et non pour le percepteur. En France 70 % de l’impôt sur le revenu est payé par
10% de contribuables. On comprend que pour beaucoup de personnes le week end puisse
commencer le jeudi soir et finir le lundi soir : ils dépenseront l’argent qu’ils ne donneront pas
au percepteur. Je sais que l’impôt est un acte de solidarité, voire même de charité
chrétienne, et que donner 40 % de ce qu’on gagne est un comportement citoyen. Mais
statistiquement il y a peu de gens spontanément solidaires ou charitables. « Solidaire si je
veux » : la solidarité publique obligatoire a eu pour effet de diminuer la solidarité privée
spontanée (puisque je paye des impôts je délègue mon devoir de solidarité à l’Etat, si mon
voisin est pauvre c’est l’Etat qui le prend en charge).
La flat tax est aussi une économie d’énormes dépenses bureaucratiques. La déclaration a
adresser au percepteur tient sur une carte postale, elle a été proposée aux contribuables
islandais qui en ont été très satisfaits. Ainsi conçue la flat tax est une libération fiscale, et elle
met fin au débat sur les inégalités. Elle est conforme à un grand principe moral : le travail,
l’effort, le mérite, le talent et la réussite sont pris en compte. Dans un pays libre et une
économie marchande on progresse en rendant service aux autres. Voilà la vraie « justice
sociale ».
Trop d’impôt tue l’impôt
« Les bas taux font les totaux ». -C’est une expression amusante qui traduit un théorème
bien connu et toujours avéré : la courbe de Laffer. David Lisnard y a fait référence. S’il doit
aller à Bercy je lui souhaite beaucoup de courage parce que « à Bercy on ne croit pas à
Laffer » : c’est ce que m’a dit Alain Madelin lors de la première visite que je lui ai faite en mai
1995 dans son bureau de Ministre de l’Economie et des Finances (qu’il quittera deux mois
plus tard). Arrivé à Bercy avec l’idée d’abaisser la TVA, il va l’augmenter de deux points pour
rééquilibrer le budget.
Or, à partir d’un certain moment, on ne rééquilibre pas le budget en augmentant les impôts,
mais en les diminuant. L’économiste Arthur Laffer (venu d’ailleurs à Paris à l’invitation de
l’ALEPS) a inspiré la grande réforme fiscale de Reagan en 1981 , et on prête (au moins en
partie) la croissance ininterrompue de l’économie américaine pendant 20 ans à cette
réforme 2 . Laffer a pensé (dès 1974) que les contribuables qui payent trop d’impôts à leur
goût avaient tendance à diminuer leur activité, donc à ralentir le taux de croissance global,
donc à diminuer l’assiette fiscale. Une autre possibilité est l’évasion fiscale et les cabinets
d’avocats fiscalistes ont un chiffre d’affaires spectaculaire, il y a des « paradis fiscaux » bien
connus. La logique est la même que celle qui inspire la flat tax : trop d’impôt tue l’impôt. Le
basculement de la courbe de Laffer (le moment où les recettes fiscales commencent à
diminuer) va dépendre évidemment de la charge fiscale déjà accumulée. La France est bien
classée de ce point de vue, et détient les records de prélèvements obligatoires. Nous avons
donc dépassé et de beaucoup le point de basculement. De la sorte toute augmentation
d’impôt (même si elle est déguisée sous forme de taxe ou de transfert d’impôt de l’Etat vers
les collectivités locales) entraîne une baisse des recettes fiscales, et toute diminution
entraîne une baisse. Cette logique imparable est confirmée par plusieurs indices :
– Les pays les plus fiscalisés sont ceux où l’on travaille le moins (la générosité de l’Etat
Providencve et le montant des allocations sociales de toutes sortes n’est pas la cause
principale du non-travail). La France a aussi un record, ony travaille bien moins
qu’ailleurs
– Les pays les moins fiscalisés sont ceux qui ont la croissance la plus forte, ils attirent
investisseurs et entrepreneurs (on cite évidemment la Suisse, Singapour, l’Irlande) et
le revenu par tête y est le plus élevé et les inégalités de revenus les plus faibles.
Ainsi devrait se terminer la stupide dispute sur la hausse des impôts. Mais il y a un autre
aspect majeur de la faillite financière de notre Etat : il y aura toujours déficit tant que la
sphère de l’Etat ne sera pas réduite aux seules missions régaliennes.
Faire des économies, et même augmenter les recettes fiscales ; cela n’est pas assez efficace
pour compenser l’argent que dépense l’Etat à des activités qu’il gère mal, et qui ne rendent
aucun service fiable. La gauche ne cesse de plaider pour donner plus d’argent aux services
publics : école, santé, transports. Il faut faire tout le contraire : transformer nombre de
services publics en services marchands. Commençons par privatiser la SNCF : c’est
certainement ce que Michel Barnier va nous annoncer dans son discours d’investiture, et
c’est au bas mot 20 milliards économisés, des trains qui arrivent à l’heure et des cheminots
qui ne sont plus en grève en réclamant des primes.
1 Cf. l’ouvrage La Flat Tax La Révolution fiscale de Robert Ernest Holl et Alvin Rabushka, préface de de Jean Philippe Delsol et Pierre Garello, Ed. du Cri 2012
2 Le président Reagan a réduit le taux marginal de impôt sur le revenu de 70 à 50%, puis à 28%, impôt sur les sociétés de 46 à 34% ; il a supprimé 30 milliards de dollars de niches fiscales, et augmenté le taux le plus bas de 11 à 15%, en simplifiant le nombre de tranches d’imposition, réduites de quinze à quatre.