Il est difficile de trouver la moindre cohérence dans la composition de ce gouvernement. La
première incohérence est que les électeurs français ne retrouveront pas la moindre rupture
espérée : les macroniens sont majoritaires. La deuxième incohérence est entre les ministres
macroniens et les républicains. La troisième incohérence, la plus déterminante, est la
diarchie pourtant exclue par la constitution de la 5 ème république : où est le vrai pouvoir, à
l’Elysée ou à Matignon ?
Il y a dans le peuple français une forte demande pour une offre politique nouvelle. Au lieu
d’une rupture, il y a continuité. Lorsque les électeurs recherchent la diminution des impôts
et des cotisations, la maîtrise de l’immigration, l’ordre public, le respect de la liberté
d’expression, le meilleur fonctionnement des services publics, ils ne voient pas qui pourra
mener à bien des réformes. Ce ne sera pas nécessairement à cause de la personnalité des
ministres, mais de la composition de l’Assemblée puisque Gabriel Attal , Marine Le Pen et
Jean Luc Mélenchon veilleront au grain, il n’y aura pas la moindre inflexion libérale.
Quant à la personnalité des personnes il y a un curieux mélange au sein de ce gouvernement
entre droite conservatrice, gauche étatiste et centre opportuniste. Des journalistes ont
résumé la situation : « gouvernement macroniste avec une sensibilité de droite » , ce qui
signifie que l’on continue avec « ensemble et même temps ». On peut mettre des noms sur
cette mosaïque, par exemple : Retailleau, Armand, Dati.
Bruno Retailleau est sénateur de Vendée, il est proche de Philippe de Villiers. Il a un défaut
majeur aux yeux de l’opposition et même d’une grande partie des députés de tous partes :
comme Laurence Garnier, autre ministre. Il pousse le comble en ayant voté contre
l’inscription dans la Constitution de l’IVG et contre les lois dépénalisant l’homophobie ou
admettant le mariage pour tous. Il pousse le comble jusqu’à se déclarer « anti-
gaulliste » (acte de courage et de lucidité à notre avis). Enfin, et non le moindre, il trouve
infâme la propagande islamo-gauchiste de Mélenchon et pro Hamas de Mélenchon. Reste à
savoir quelles seront ses relations avec Didier Migaud, garde des Sceaux : l’insécurité
concerne aussi la magistrature.
Le profil et la « sensibilité » d’Antoine Armand sont tout à fait différents. Il a fait des études
supérieures à l’Ecole Normale, puis à l’ENA (camarade de promotion de Macron) et il en est
sorti Inspecteur des Finances. Il n’existe pas de niveau plus élevé dans la hiérarchie de
l’administration française, et les Inspecteurs des Finances constituent un club très fermé qui
se partage les positions élevées dans les ministères (en particulier Bercy) et dans les grandes
entreprises (publiques et privées). Il n’a jamais caché ses opinions de gauche, et comme tous
ses congénères il n’aime pas les riches, ni les grandes sociétés (sauf celles qui ont obtenu des
privilèges de l’Etat). Son annonce dans le Journal du Dimanche aujourd’hui laisse entendre
qu’il ne pratiquera pas la «confiscation » fiscale (les libéraux utilisent plutôt le terme de
« spoliation ») ni le « sous-investissement dans notre avenir économique et écologique ».
Donc l’argent de l’investissement sera financé par des « prélèvements exceptionnels et
ciblés » et il ne faut pas oublier « l’avenir écologique » particulièrement cher (dans tous les sens du terme) à Michel Barnier – en dépit des récriminations de Mesdames Rousseau,Tondelier et Batho.
Quant à Rachida Dati elle n’ pas hésité à accepter d’entrer dans le gouvernement macronien
de Gabriel Attal alors qu’elle était membre du parti Les Républicains aux côtés d’Eric Ciotti.
Elle a d’ailleurs été immédiatement exclue du parti. Elle se retrouve parmi les forces vives du
Modem, une formation qui a beaucoup de fluidité et un art de se glisser dans
les arcanes du pouvoir
Cependant l’incohérence la plus dangereuse dans ce gouvernement est l’apparition d’une
diarchie entre Matignon et l’Elysée. Certes il était normal que les ministres opérant dans le
domaine réservé par la Constitution au Président de la république soient choisis par lui, c’est
le cas pour la défense (Lecornu) et l’Europe et les Affaires Etrangères (Barrot). Mais la façon
dont est organisé Bercy, qui a en charge l’économie, les finances, l’industrie, la
consommation, le commerce extérieur, est assez déroutante. Antoine Armand, ministre de
l’Economie des Finances et de l’Industrie, « dépend directement du Premier Ministre »
tandis que Laurent Saint-Martin, ministre du Budget et des Comptes Publics dépend de la
Présidence 1 .
En gros la diarchie avait été éliminée de la Constitution des deux précédentes Républiques .
Elle ne donnait au Président de la République que « le soin d’inaugurer les chrysanthèmes »,
comme on disait alors. Le pays était gouverné par l’Assemblée Nationale et le jeu des partis,
ce qui pouvait déboucher sur l’instabilité permanente mais qui a permis en fait aux radicaux
de gouverner sans cesse (en dehors de la parenthèse du Front National créé avec les
communistes). La Constituton de la 5 ème a fait juste l’inverse : tous les pouvoirs (y compris le
législatif et le judiciaire)entre les mains du Président, mais De Gaulle a pris le parti de ne
s’intéresser qu’à son domaine réservé par la Constitution (la défense et la diplomatie),
laissant le Premier Ministre mener le reste des affaires, y compris l’économie qu’il n’aimait
pas. Il n’exerçait son autorité sur le Premier Ministre qu’en cas de crise ou d’évènement
majeur 2 .
Dans le contexte politique actuel, la diarchie ne peut avoir que deux issues :
– Emmanuel Macron reprend en mains le gouvernement du pays et Michel Barnier se
plie à sa volonté
– Michel Barnier démissionne, et il faudra lui trouver un successeur suicidaire.
Mais de toutes façons, avec la composition actuelle de l’Assemblée Nationale, la France est
ingouvernable. Seule une rupture et le choix d’un Premier Ministre qui aurait été compris
par les Français pourrait éventuellement mettre fin au chaos. La démission du Président
actuel s’impose pour cette raison. Seul un parti libéral peut aider les Français à faire le saut.
1 Cf. l’arce d’actualité d’aujourd’hui de Jacques Garello Ils se foutent du monde La passation des pouvoirs à Bercy : une mascarade
2 Notamment la négociation des accords d’Evian ‘(1961): Pompidou n’a cessé de se prêter aux volontés du Général