Consultations médicales : pourquoi un « tarif » ?
L’échec des négociations pose le problème de la « santé publique »
Avant-hier expirait le délai imparti aux syndicats de médecins pour accepter le tarif de leurs consultations : 30 € pour les généralistes et 35 € pour les spécialistes. Les deux principaux syndicats, représentant la quasi-totalité des médecins conventionnés, ont refusé la proposition de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie. Cette rupture est lourde de conséquences, puisque la convention fixe obligatoirement les tarifs pour cinq ans : un engagement peut-être risqué dans une conjoncture d’inflation et de dévaluation de l’euro.
Le calendrier maintenant prévu est le suivant : une arbitre Annick Morel entendra les deux parties et proposera au ministère un « règlement arbitral », le ministère aura jusqu’à la fin juin pour accepter ou rejeter cette proposition. C’est donc bien le ministère qui aura le dernier mot. Sans vouloir noircir le tableau, il est très vraisemblable que les syndicats de médecins feront pression pour rapprocher le tarif des consultations de 50 €. Curieuse confrontation : la CNAM a son monopole, les médecins ont leurs grèves.
Cette confrontation est propre à un système de santé publique, dont la France a l’immense privilège, alors que dans la plupart des pays libres la profession médicale est libérale, avec des honoraires libres. La confrontation est en réalité entre liberté des honoraires et tarifs décrétés par le service public.
Evidemment les partisans du tarif arguent de la « gratuité des soins » : la France n’est-elle pas le pays où n’importe quelle personne peut accéder sans payer aux consultations, aux hospitalisations, aux rééducations, aux matériels médicaux, aux cures thermales, etc. Certes, mais la France est aussi le pays où s’élargissent les déserts médicaux, le pays où s’allongent les délais pour consulter un spécialiste, le pays où la plupart des médecins sont indisponibles pendant les week-ends, un pays où les urgences sont saturées, où les lits d’hôpitaux sont insuffisants, où les médicaments peuvent manquer, etc. Il ne manque pas d’éminents hommes de l’art et de ministres éloquents pour nous expliquer sur les plateaux de télévision que tout cela n’est qu’apparence et que les bavures vont être prochainement éliminées. La France détient maintenant le record des dépenses de santé par habitant, la santé creuse un déficit abyssal de la Sécurité Sociale, record contesté il est vrai par la gestion des retraites par répartition.
Cette dernière remarque conduit à penser que pour la santé comme pour les retraites c’est le système qu’il faut changer. Nous avons déjà évoqué cet impératif dans un article qui réagissait aux propos de Madame Borne qui traitait les médecins d’ « irresponsables »[1]. Nous rappelions d’abord que le système de santé publique est à l’opposé du système de médecine libérale :
[1] Article publié sur le site « les médecins irresponsable »
Deux logiques inconciliables[1]
La santé publique réglemente un prix à l’acte, la médecine libérale est honorée en fonction des personnes : le malade, le praticien. La santé publique est gérée comme une administration, la médecine libérale implique une relation personnelle. Le fossé n’a cessé de se creuser, et la position dominante de la santé publique a produit tous ses effets : concentration et bureaucratie. La concentration aboutit à assimiler santé et hôpitaux publics, de sorte que le médecin est devenu marginal, ou intégré de force dans le complexe, en devoir d’obéir à la bureaucratie. Cette bureaucratie est ruineuse, elle multiplie les démarches et les emplois inutiles, on sait que 37 % du personnel hospitalier n’est pas soignant. De la sorte les mêmes soins sont administrés dans les cliniques privées à des coûts inférieurs d’un tiers ou d’un quart. Evidemment les partisans du secteur public dénoncent l’obsession de la rentabilité et sont prompts à relever les erreurs et les scandales, et réclament la nationalisation de tout ce qui est privé – comme si les erreurs et scandales épargnaient l’hôpital public. On fait aussi allusion à la vocation de l’hôpital public de développer la recherche, mais beaucoup de chercheurs et praticiens quittent la France pour aller exploiter leurs talents ailleurs (aux Etats Unis en particulier). La concurrence est interdite dans la logique de la santé publique, elle est bénéfique dans la logique libérale, en médecine et en recherche scientifique comme ailleurs.
Le principe des conventions
Depuis des années se pose la question du conventionnement. Il y a des médecins hors convention : ils pratiquent donc une médecine libérale, qui fonctionne en principe avec des honoraires libres. Le nombre de ces médecins dits du secteur 3 est très faible (environ un millier) et en chute. En revanche les médecins des secteurs 1 et 2 sont conventionnés et sont soumis aux tarifs « négociés » avec la CNAM, le secteur 2 ayant pour originalité d’admettre les dépassements d’honoraires (mal remboursés aux malades). Il y a bien eu un essai d’un secteur 2 à honoraires libres avec le gouvernement Raymond Barre en 1980, mais le succès de cette libération a été tel que dès 1989 les médecins du secteur 1 (totalement conventionné) n’ont plus été autorisés à passer en secteur 2, dont on a réservé l’exercice à certains praticiens très diplômés ! Après beaucoup d’essais infructueux, le secteur 2 est aujourd’hui conventionné, mais les médecins peuvent choisir l’OPTAM (Option Tarifaire Maîtrisée) c’est-à-dire modérer leurs dépassements d’honoraires pour que leur clientèle soit mieux remboursée.
Tout cela est évidemment très réglementé, et la CNAM jouissant du monopole du remboursement impose ses conditions, la négociation a été purement formelle jusqu’à présent, bien que les syndicats de médecins jouent en apparence leur rôle de résistants. En fait les médecins sont devenus des fonctionnaires, mal payés au demeurant : leurs revenus sont fixés par le gouvernement.
Le paradoxe est que le gouvernement les accuse de ruiner la santé des Français. Le ministre de la santé François Braun « regrette beaucoup que les syndicats de médecins libéraux n’aient pas fait l’effort pour répondre aux besoins des Français […] C’est une occasion manquée pour les médecins, autant que pour les patients » puisqu’une consultation à 30 € au lieu de 25 était déjà une « récompense » et le ministère conclut que « la revalorisation sans condition n’est pas une option ». On est donc dans la ligne du discours d’Elizabeth Borne : les médecins sont « irresponsables ».
[1] Ce paragraphe est entièrement repris de notre article
La réforme qui s’impose : retour à la médecine libérale
Nous laissons volontiers la parole à notre ami Patrick de Casanove, président du Cercle Frédéric Bastiat à Dax (où il organise chaque année le WEL, Week end libéral). Voici ce qu’il écrivait dans un article récent de Contrepoints (29 juin 2022):
On entend souvent dire que la santé n’est pas une marchandise, ou qu’elle n’a pas de prix mais un coût. Ce sont des élucubrations sémantiques. L’important est de disposer d’informations fiables pour prendre de bonnes décisions. Or en économie ce sont les prix libres qui donnent ces informations. C’est grâce à eux que les soins seront disponibles et accessibles. Les tarifs administrés ne donnent des indications que sur la politique sanitaire. Le tarif peut être bas et remboursé et le soin inexistant faute de personnel ou de matériel par exemple. Cela impose la disposition de l’intégralité des revenus, le salaire complet, le libre choix de l’assureur (Sécu incluse), la liberté économique qui va au-delà de l’économie au sens contemporain.
Les ordonnances de 1945 ont sorti le risque social (santé, retraite, chômage…) du marché et l’ont mis dans le domaine public. À partir de ce moment tous les soucis de la protection sociale sont liés à sa gestion publique, plus précisément politique. Plus de responsabilité personnelle, plus de libre choix, tout le monde est obligé d’entrer dans ce système. La création de la Sécurité sociale a détruit les solidarités spontanées que sont les solidarités culturelles, villageoises, professionnelles, familiales
Un système de santé performant repose sur une société saine, prospère et une énergie abondante et bon marché. Tout est lié, la moindre intervention de l’État contre la Propriété, la Liberté (dont la liberté économique), a des conséquences néfastes sur tout le pays, particulièrement sur le système de santé…et sur la santé des Français.