Avant-hier dimanche Bruno Retailleau a été entendu par « le Grand Jury » sur les antennes de RTL. A notre connaissance c’etait une première profession de foi destinée au grand public[1], et il nous semblait intéressant d’entendre l’un des trois candidats à la présidence du parti LR.
Président du groupe LR majoritaire au Sénat, Bruno Retaulleau est sénateur de Vendée, un département connu pour son ancrage à droite et sa grande dynamique intellectuelle.
Il a eu un langage clair et courageux sur la plupart des sujets d’actualité :
- Pour condamner nommément la CGT qui prend « le peuple en otage », et le gouvernement qui se refuse à la réquisition alors qu’il a mission d’assurer l’ordre public. Il n’a pas héisté à parler des dégâts de la « gréviculture » en France
- Pour dénoncer « l’usage des finances publiques à des fins purement électorales »
- Pour rappeler que le « bouclier énergétique » a été calqué sur ce qu’ont inventé les socialistes allemands, et qu’il n’a aucune chance de réduire le prix de l’énergie
- Pour critiquer sans détour le ministre de l’Education Nationale, Pap Ngaye qui a lié « la citoyenneté à la couleur de la peau »
- Pour défendre la police judiciaire contre le projet de réforme qui la mettrait sous l’autorité directe du préfet au lieu d’être contrôlée par le procureur de la République
- Pour nier que l’on puisse classer Emmanuel Macron d’homme de droite au prétexte que certains ont quitté LR pour devenir ministres
- Pour rappeler le triste bilan de l’Elysée à ce jour : sur les retraites sur l’immigration, sur la santé, sur l’énergie
- Pour conclure finalement que le débat et les décisions politiques portent toujours « sur les conséquences et jamais sur les causes » : aucune réforme structurelle depuis des années
Le grand problème de Bruno Retailleau est son obstination à se présenter comme un leader de droite, alors même qu’il reproche à la droite d’avoir accumulé les erreurs dans le passé. C’est le cas du quinquennat Sarkozy « l’homme du passé et du passif » auquel il reproche entre autres la relance par la dette publique après 2018, mais aussi « la bienveillance à l’égard d’Emmanuel Macron » et son refus de soutenir Valérie Pécresse.
La droite aurait perdu la confiance de ses électeurs parce qu’elle les a déçus, ils se sont réfugiés dans l’abstention, voire le vote rejet.
Mais y a-t-il quelque espoir d’unir la droite ? Bruno Retailleau répond que ni Marine Le Pen ni Eric Zemmour ne souhaite cette union, et s’il faut réunir la droite, il faut d’abord redonner espoir aux adhérents du parti LR.
Le projet exposé par Bruno Retailleau présente ici plusieurs faiblesses :
- Pourquoi reconquérir l’électorat (dit de droite) en motivant « les adhérents » ? les libéraux disent « la société civile » : nous ne pensons pas que ce soit les militants d’un parti qui puissent convaincre qui que ce soit.
- Pourquoi réinventer le nouveau Parti Républicain avec trois jeunes politiciens : Othman Nasrou que BR tient pour « libéral » (porte-parole de Valérie Pécresse pour les présidentielles), François-Xavier Belamy, à coup sûr conservateur, et Julien Aubert, gaulliste de gauche mais en effet très talentueux.
- Pourquoi ne rien reprendre du programme libéral que Bruno Retailleau connaît sans doute ? Sur la réforme des retraites BR voit la solution dans l’âge de la retraite et n’évoque pas la capitalisation, sur la réforme de l’Education Nationale pas un mot sur la liberté et la concurrence des établissements ?
Nous avons donc beaucoup de mal à voir Bruno Retailleau en candidat libéral. Certes, sur les questions sociétales, il défend un principe bien simple : l’Etat n’a pas à régenter la vie privée. Les racines culturelles de la France sont profondes : Noël, la famille traditionnelle, la dignité de la femme (attaquée par le port du voile), l’islamisation de l’école. Le pouvoir actuel veut inventer une nouvelle société (un « woke de salon ») et s’offre pour éduquer le peuple : là encore l’Etat est indigne.
Mais d’ailleurs Bruno Retailleau est-il intéressé par un électorat libéral qui précisément ne veut plus d’une droite sans doctrine ? Il a déclaré jadis que le libéralisme ne pouvait être mis en place en France, car c’est une philosophie propre aux Anglo-Saxons. Mais quid de la Suisse ou de l’Irlande ? Nous nous proposons, notamment à travers notre site, de convertir au libéralisme les gens qui se disent de droite. Le libéralisme n’appartient à aucun parti et il est de nature à barrer la route au socialisme, sous sa forme larvée sociale-démocrate, ou sous sa forme aiguë révolutionnaire marxiste. Puisqu’on évoque Marx, reconnaissons à Bruno Retailleau le mérite d’avoir rappelé que les crimes de l’URSS n’ont jamais été jugés – on peut s’en rappeler au moment où l’on va fêter joyeusement le centenaire de l’URSS !
[1] Il y avait eu un article de l’Express et une émission sur Europe 1 sur les relations entre Bruno Retailleau et Nicolas Sarkozy. L’expression « notre passé, c’est notre passif » (prêtée à François Mitterrand) a été reprise par bruno retailleau à propos de la politique de Nicolas Sarkozy et de ses relations avec le parti LR (cf. infra)