Mohammed VI a gardé le silence longtemps. Il n’était pas au Maroc, mais en France au moment où le tremblement de terre s’est produit, il était venu se faire soigner à Paris, comme précédemment. Il est stupide de penser et de dire qu’il n’a eu aucun respect ni amour pour son peuple, ou qu’il attendait de connaître précisément les victimes et les dégâts pour ajuster son discours. Hier mardi le souverain est venu se rapprocher de son peuple à Marrakech, la ville la plus proche de l’épicentre : son « silence » a pris fin.
Il faut donc juger autrement ce « silence » : le roi a entendu rappeler la souveraineté de son royaume. La liste des pays autorisés à apporter leur aide aux Marocains n’avait certainement pas été publiée sans son autorisation : Emirats Arabes Unis, Arabie Saoudite, Espagne et Grande Bretagne. En revanche, les propositions d’aide faites par d’autres pays n’ont pas été à ce jour acceptées, ce qui ne veut pas dire qu’elles ont été refusées
En Afrique du Sud pour le sommet du G 20, Emmanuel Macron s’est exprimé de façon très simple et sympathique : la France sera « prête à la seconde » si le Maroc demande notre aide.
Catherine Colonna, ministre des Affaires Etrangères a très vite calmé le jeu consistant à opposer les deux pays : « C’est une mauvaise querelle, une querelle tout à fait déplacée », a-t-elle déclaré sur la chaîne BFMTV. « Le Maroc n’a refusé aucune aide, aucune proposition » ; elle a ajouté : « le Maroc est souverain ».
Mais en quoi consiste la souveraineté marocaine ?
A sélectionner la forme et l’origine que doit prendre l’aide apportée.
La forme : porter secours aux victimes, soigner et sauver les blessés ne pouvait être fait immédiatement par quelque aide extérieure pour deux raisons. La première est que, pour l’essentiel, l’endroit où ces victimes se trouvent, à l’épicentre dans l’Atlas, est difficilement accessible et l’accès et le transport des victimes n’ont pas pu toujours de faire en temps voulu, et quand ils ont pu se faire les secouristes et médecins marocains ont pu œuvrer et opérer. Il est remarquable d’ailleurs que les pompiers et médecins en attente à l’aéroport de Marseille Provence pendant deux jours au moins ont parfaitement compris que les Marocains devaient avoir l’initiative, ils ont été en contact permanent avec eux. La deuxième raison est que l’aide financière est plus adaptée aux besoins marocains que les premiers secours, assurés correctement sur place, en particulier parce qu’un certain nombre d’associations humanitaires sont présentes au Maroc, comme le Croissant Rouge, les clubs service[1]. En revanche il va falloir déblayer, assainir, bâtir, reconstruire les infrastructures, restaurer le patrimoine touristique si important, et il y en a pour plusieurs années et plusieurs milliards (comme cela s’est vu après Agadir).
Quant à l’origine, il est sûr que lorsque de tels drames se produisent plusieurs pays se hâtent de se placer aux premières loges. On a le souvenir lamentable de la conduite des Américains à Haïti, ils ont même saboté l’aide française et ont voulu contrôler la reconstruction des écoles et des hôpitaux à leur manière. Et aurait-on admis la présence massive de Russes, de Chinois, de Turcs, d’Indiens ?
Reste le problème spécifique des relations entre le Maroc et la France. Il est certainement exagéré de lier l’aide française et les relations entre les deux pays. Certes il n’y a guère de représentation diplomatique entre les deux pays. Rabat a toujours refusé les mesures que Gérald Darmanin a voulu prendre pour limiter l’immigration marocaine et annuler les visas si les Marocains ne voulaient pas rapatrier leurs nationaux sans papier en France. Mais le Maroc n’avait aucune raison d’accepter ce que les Algériens ont refusé, et ce ne sont pas les Marocains, en situation régulière ou irrégulière qui ont causé les manifestations et les émeutes depuis quelques mois. Les Marocains représentent les plus nombreux de ceux qui ont une double nationalité en France, il n’y a guère de Marocains de la troisième génération en France, ils retournent au pays dès qu’ils le peuvent une fois leur carrière et leur patrimoine assurés.
En conclusion, il serait souhaitable que par respect pour les victimes et par amitié pour un pays encore francophone on cesse de donner l’image d’un roi insensible aux malheurs de son peuple, qui serait pauvre et asservi alors que le Maroc est un pays émergent et ouvert. Il n’y a pas de lutte des classes entre les Occidentaux et les Marocains[2].
[1] Par exemple il existe un grand nombre de clubs Lions au Maroc et la Fondation Internationale du Lions leur a fait parvenir 100.000 dollars en un jour, et les Lions du monde entier se sont également mobilisés.
[2] En revanche il y a une lutte à propos de la drogue, puisque le Maroc tolère la culture du cannabis sur 55.000 hectares, premier producteur du monde selon l’OMS. Le Maroc, un peu trop « ouvert ».