Les médias ont fait largement écho à ce qui s’est passé la semaine dernière à la Cité des Campanules. Il faut dire que Marseille est un haut lieu du trafic de drogue : 160 points de vente repérés par la police, des prix affichés, des clients qui viennent s’approvisionner. Bref un supermarché ouvert à tout le monde.
Les habitants des Campanules ont manifesté leur colère, ils ont défilé après avoir alerté la presse locale, France 3 a couvert l’évènement, et ils auraient décidé de faire eux-mêmes la police, en installant des vigiles pour repérer les dealers mais aussi les jeunes veilleurs qui donnent l’alerte ou filtrent les véhicules des clients. Soit. Mais encore faut-il trouver des vigiles, et ce ne sont pas les résidents qui peuvent assurer la mission. La police (à laquelle on adresse le reproche d’inefficacité) ? Des entreprises de gardiennages (mais qui va les payer ? Les habitants ? La mairie ?). L’affaire semble donc plus expérimentale qu’exemplaire.
Mais en tout cas elle remet sur le tapis le grand débat de la lutte contre la drogue. Ce débat est d’ailleurs ouvert au sein de la famille libérale. A la suite des Friedman (père et fils) nombreux sont ceux qui regardent du côté de l’offre, c’est-à-dire des trafiquants. Dépénaliser la vente de drogue serait une façon de procéder : à l’appui de cette solution on évoque l’échec de la prohibition de l’alcool aux Etats Unis (1921-1933), la consommation n’a pas diminué, des ersatz ont créé de graves troubles, la police et élus locaux ont été corrompus. Une autre réforme consiste à assortir la dépénalisation d’un programme de rééducation. Les Pays-Bas ont donné l’exemple, mais des étrangers viennent s’y procurer la drogue. Enfin, et c’est à mon sens une erreur, on peut, comme on vient de le faire en France[1], autoriser les drogues « douces » mais il est évident que l’addiction va ensuite dériver vers des drogues moins douces à ce que disent plusieurs psychiatres.
Peut-être conviendrait-il de se tourner aussi du côté de la demande. A l’occasion de l’affaire des Campanules il a été suggéré par plusieurs analystes et commentateurs, mais aussi par les habitants de la cité, qu’il faudrait poursuivre et punir les clients. Mais cela ne ferait que déplacer la vente, on peut compter sur la créativité des trafiquants pour ouvrir sans cesse de nouveaux points de vente tranquille.
Je suis depuis des années partisan d’une autre approche : pourquoi une demande de drogue ? Pourquoi cette demande est-elle, de plus en plus, celle de jeunes ? Voilà à mon sens la vraie question. Et elle a une réponse, et une réponse efficace.
La réponse est l’éducation reçue depuis les premiers âges. Il est possible d’éradiquer toutes les addictions si d’une part on brise le mimétisme, la tendance des enfants à faire comme les autres, et à subir le réflexe de bande (il faut imiter le chef), et si d’autre part on enseigne aux enfants quelques valeurs morales, leur apprendre qu’il y a un bien et un mal, qu’il faut respecter les autres. Je trouve inadmissible que le harcèlement soit si fréquent dans de si nombreux établissements où les directions et les enseignants ont ignoré, démissionné, voire même toléré[2].
Cette réponse est efficace. Elle a été organisée par les pionniers du programme Quest, diffusé dès les années 1970 par le Lions Club International[3]. Les premières interventions en France, dans des établissements privées, mais aussi publics dans six académies, ont été couronnées de succès, mais la pression des syndicats d’enseignants, mécontents de voir des programmes venus d’un autre monde et d’une autre approche pédagogique, ont amené le ministre de l’Education Nationale de l’époque Lionel Jospin (sous les gouvernements de Michel Rocard et Edith Cresson) à interdire Quest, l’interdiction ne sera levée qu’en 2010. En ce moment-même des programmes très voisins, souvent dénommés « communication bienveillante » ou « Communication non violente » se multiplient en France, dans les établissements privés mais aussi e publics. Dans le monde entier plus de dix millions d’élèves ont appris à ne pas céder au mimétisme et à échapper au harcèlement. La drogue des jeunes a été totalement éradiquée en Australie et en Corée du Sud. Le succès de l’opération est bien simple : développer l’individualité de l’enfant (apprendre à dire non, être fier de ce qu’il aime), respecter la personnalité des autres, développer l’esprit d’équipe et de service. Ce qui pourrait passer pour une innovation n’est jamais qu’un retour aux leçons de morale et aux hussards de la République[4].
Il est vrai que les erreurs de l’éducation des jeunes ne sont pas entièrement dus à l’école, au collège ou au lycée. Elles proviennent aussi de la famille, cellule de la société bien plus fragile aujourd’hui. Il fut un temps où les enseignants se faisaient un devoir de compenser les erreurs familiales. La communication entre enseignants et parents est très défaillante aujourd’hui, et l’engagement politique d’une large part des enseignants fait le reste. Il serait peut-être temps d’y réfléchir. Il existe malheureusement ici une addiction à la tyrannie du statu quo.
[1] Arrêt du 29 décembre 2022 autorisant le flacon CBD, extrait de chanvre, dont il est garanti qu’il n’aurait aucun effet « paradisiaque ».
[2] L’actualité est faite ces jours-ci du suicide d’un enfant de 13 ans. Les fanatiques de LGBT ont scandaleusement exploité ce drame.
[3] Au départ les concepteurs de ce programme ont été soupçonnés de vouloir manipule la jeunesse au nom de l’église scientiste. Ce soupçon n’a jamais été bien argumenté, mais de tiutes façons le Lions Club International a racheté le programme à ses concepteurs et obtenu les résultats les plus spectaculaires qui soient.
[4] Etre libéral n’empêche pas d’être conservateur, au bon sens du terme, c’est-à-dire conserver les règles du jeu social qui ont fait leur preuve, les changer quand elles sont nuisibles. On doit toujours admettre le processus d’essais et d’erreurs dans la recherche de la vérité.