Grande et bonne nouvelle : un accord qualifié d’historique vient d’être passé aujourd’hui même entre trois personnalités : Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, Roland Lescure, ministre de l’Industrie, et Luc Rémont, président d’EDF.Et les Français devraient être rassurés : la hausse du prix de l’électricité sera raisonnable, et garantie pour longtemps.
La hausse sera raisonnable : de 42 euros à 70, mais d’une part elle aurait pu être pour de multiples raisons plus élevée encore (100 euros), d’autre part il faut prendre en considération de très nombreux éléments, comme l‘indique aujourd’hui David Baroux dans Les Echos : Nous devons à la fois réinvestir massivement dans le renouvellement de notre parc atomique, déployer des éoliennes et du solaire, moderniser notre infrastructure de distribution électrique et accroître notre souveraineté en développant notre indépendance énergétique. Dans le prix de l’électricité il y a tous les coûts de la « transition écologique ». Voilà un bon théorème : le Vert est cher.
La vérité est que l’électricité française est le sous-produit d’un double dirigisme : au niveau européen, au niveau national.
Au prétexte d’harmonisation les Européens ont en effet eu l’idée de fixer un prix unique de l’électricité, qui dépend obligatoirement des prix de toutes les formes d’énergies concurrentes, eux-mêmes fixés administrativement[1]. Le prix du gaz est un prix politique : il a été établi par les accords que Madame Merkel avait passés avec Monsieur Poutine, et l’invasion de l’Ukraine a décidé les Européens à hausser le prix du gaz, mesure de rétorsion contre le Kremlin. Les Allemands ont dû accroître davantage les centrales thermiques à charbon – ce qui évidemment a heurté les passions écologiques françaises. Il y a donc un conflit franco-allemand très ouvert.
Mais le dirigisme français a eu aussi un poids considérable. Tout d’abord le premier quinquennat Macron nous a valu la fermeture de Fessenheim, la plus puissante centrale nucléaire en Europe. Dans les années suivantes, on a dû arrêter de nombreuses autres centrales nucléaires pour les réparer : il semblerait qu’EDF n’avait pas investi suffisamment dans leur entretien. Enfin le gouvernement a décidé de lancer les EPR puis les EPR2 de Penly, mais dès le début l’initiative a pris un mauvais départ avec les problèmes de sécurité et les oppositions des Verts. A l’heure actuelle s’était noué un conflit entre le gouvernement et EDF sur le statut de cette entreprise bien particulière. Car EDF est juridiquement une entreprise privée. Mais elle dépend de l’Etat qui lui reconnaît un monopole pour la production d’électricité nucléaire, mais entend garder de son côté la maîtrise de la politique énergétique. Cela débouche sur un monument bureaucratique, une usine à gaz (c’est le cas de le dire) appelée ARENH : Accès Régulé à l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH) qui est un droit pour les fournisseurs d’acheter de l’électricité produite par les centrales nucléaires historiques d’EDF à un prix régulé et pour des volumes déterminés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Grâce à l’accord historique, les Français devraient aussi être assurés sur le long terme : EDF connaît déjà le prix du kwh en 2028 : il sera entre 83 et 85 euros. Evidemment ce calcul aura sans doute intégré toutes les probabilités d’accidents politiques, techniques, monétaires qui peuvent se produire dans les cinq prochaines années : la paix sera revenue au Proche Orient et en Ukraine, l’Iran aura choisi la paix, etc. Mais EDF va aussi pouvoir investir davantage car une mesure concernera les consommations supérieures à 100 KWH qui seront taxées. C‘est dire la simplicité et la justice de ces dispositions.
L’accord historique n’est qu’une nouvelle avancée de la « troisième voie » : celle qui prétend se situer entre le plan et le marché grâce à la liberté de prix fixés par le gouvernement et la liberté d’entreprendre suivant les orientations du pouvoir, lui-même en charge de la planète et de l’humanité.
[1] On se reportera sur ce point à l’article de Pierre Garello publié dans la Lettre de l’IREF11 octobre 2022 Flambée du prix du gaz et bde l’électricité : la faute à qui ? Les marchés ne sont peut-être pas coupables