S’il y a un doute sur les promesses d’autonomie faites aux Corses, et qui pourraient à la rigueur passer pour un évènement historique,[1] le discours d’Emmanuel Macron sur FR 3 hier au soir a visiblement un contenu électoral immédiat : le Président veut aller vers le peuple rural dont les votes pourraient se porter massivement sur le Rassemblement National.
Il veut briser le monopole de la droite sur les problèmes sécuritaires : il sait et il peut lui aussi s’occuper du régalien. Il utilise des chiffres et des modalités qui peuvent faire rêver : 248 brigades de gendarmerie (on en a supprimé 600). « La sécurité c’est la présence » : belle formule mais la « présence » des nouvelles brigades est relative : ils sont six dans un car, et répondent à la demande. Puisque le régalien a besoin d’investissements le budget de la justice sera augmenté comme jamais depuis dix ans (mais c’était déjà une promesse électorale en 2022). Enfin la ruralité c’est aussi la nature et les paysans qui ont besoin de soutiens financiers et de protectionnisme. Le chant présidentiel est posé sur lutrin du Ministre de l’Intérieur : on ne peut avoir de meilleur ministre que Gérald Darmanin, dauphin déjà désigné. Les autres candidats à la présidentielle, comme Laurent Wauquiez, ont à bien se tenir : difficile de surenchérir sur une telle propagande sécuritaire, rurale, et payé par les contribuables.
La manœuvre est d’autant plus affinée que dès mardi Elizabeth Borne va participer aux travaux du Conseil National de la Reconstruction, instance qui a pour priorité la révolution écologiste. Ici, ce sera la clientèle de gauche que l’on va viser :il ne faut pas perdre chez les Verts ce qu’on pourrait gagner chez les RN. Gauche et droite : tous ensemble autour du Président.
Le point de vue libéral est bien évidemment de déplorer cette constance dans la médiocrité, dans la communication, dans le triomphalisme. Mais aussi de rappeler que la seule rupture appréciée serait de réduire à néant le délirant budget de la transition énergétique : il est impossible de créer des emplois régaliens tant que les milliards sont gaspillés en projets illuminés par la peste verte. Les discours désormais quotidiens et les annonces de tournants historiques deviennent insupportables, les ficelles sont trop grosses, et l’opinion publique va s’en détourner sans doute. Demeurent les réalités incontournables depuis des décennies : dépenses au-delà de nos moyens, endettement à masse et coûts croissants, multiplication des normes et omniprésence de la bureaucratie, atteintes permanentes à la liberté d’expression, à la propriété, et à la dignité de l’être humain.
[1] CF. l’article de Jacques Garello Autonomie de la Corse : un tournant historique ? 2 octobre 2023