Jeudi dernier le Président était à Savines-le-lac. Sa visite n’était pas du goût du maire d’opposition Léo Walter qui a préféré être à la tête de manifestants d’opposition. Ces opposants se sont sentis « méprisés » par Emmanuel Macron parce que des forces de l’ordre abusivement déployées les ont empêchés de s’approcher d’Emmanuel Macron.
Cette attitude pour le moins incohérente s’expliquait par l’ignorance des manifestants : ils ne savaient pas que la venue du Président n’avait pas grand-chose à voir avec l’eau. A partir d’un calendrier de visites vieux de plusieurs mois l’Elysée a choisi un point de chute pour meubler le délai de retour à l’ordre public : oubliée la réforme des retraites, oubliés les grèves, oublié le 49.3, oublié les mégabassines de Sainte-Soline. Encore un petit discours sur la fin de vie aujourd’hui lundi, et un petit voyage en Chine et tout sera réglé, en règle et en paix civile.
Cela dit, nous voici tout de même rassurés sur l’eau. Nous apprenons que la France manque d’eau, et que cela va s’aggraver avec l’indubitable changement climatique, dans 50 ans les nappes et les sols seront asséchés de 30 à 40 % au point de menacer notre « souveraineté alimentaire ». Issu de l’ENA (Ecole Nationale d’Aquatique) Emmanuel Macron dévoile tous les chiffres actuels et futurs : une commune sur deux manque d’eau, il y a déjà 170 « points noirs » repérés par le ministère, il y a urgence. Le gouvernement s’en occupe et injecte tout de suite 180 millions d’euros versés aux communes. Il y a urgence à économiser au minimum 10 % du volume actuel d’eau.
Plan d’eau
Heureusement un plan, dont on se félicitera parce qu’il est français, donc innovant et spécifique, différent de ce qu’ont fait les Espagnols et les Israéliens, a été décidé en haut lieu (sans doute en très haut lieu), il se compose de cinq objectifs : économiser la consommation (que la production d’électricité et les centrales nucléaires réduisent leurs émissions d’eau, tout comme le secteur industriel), lutter contre les fuites, réutiliser les eaux usées, faire un meilleur usage de l’eau avec une nouvelle agriculture (il y aura une « loi d’avenir agricole » avant la fin de l’année, c’est rassurant), établir une logique du stockage de l’eau. Tout cela est d’une clarté aveuglante.
Deux impératifs dominent ces cinq objectifs, sobriété et responsabilité. Qu’on ne s’y trompe pas : il s’agit bien d’un plan. Tout d’abord Emmanuel Macron nous rassure : pas de privatisation de l’eau. L’eau est un bien commun[1]. L’eau c’est le partage, donc nul ne saurait se l’approprier : le Président parle dans les Hautes Alpes comme les casseurs des Deux Sèvres. Il parle comme le secrétaire général de l’ONU. Pas question de faire de l’eau un bien stupidement marchand. D’ailleurs le ministère prépare déjà les prix de l’eau ; il y aura une tarification progressive et responsabilisante : les premiers mètres cubes seront très bon marché (pour boire et se laver), les suivants (pour le confort) seront plus chers (« c’est du bon sens ») ensuite la responsabilité consiste à revenir à une très grande sobriété parce que le mètre cube sera trop cher. Tout cela, en effet, tombe sous le bon sens. La responsabilité pat décret est en effet une innovation française.
Qu’on se rassure tout de même ! l’exécution du plan, sinon sa conception, sera décentralisée : on va multiplier les administrations qui opèreront sur place : des agences de l’eau, le corps électoral, l’intercommunalité, les mutualisations de communes. Tout cela participe du bien commun, de la protection de nos enfants et petits-enfants. Le bien commun est particulièrement soigné en France, où règnent l’intelligence collective et le sens de l’effort. Le plan de l’eau est une innovation, ne rien bouger serait une erreur, à propos de l’eau comme pour tous les sujets (voulait-il viser les retraites, ou la santé, ou la morale ?)
Dans le droit fil de la planification et du collectivisme
Dans peu de temps aucune phrase de ce discours n’aura résisté à la réalité. La planification, qu’elle soit de l’eau ou d’autre chose, n’a jamais engendré que des échecs, des pénuries, des marchés noirs, des ajustements encore plus stupides. Évidemment d’entrée de jeu le Président a évoqué le dernier rapport du GIEC « qui propose un modèle scientifique » sur les risques de pénurie d’eau en fonction du réchauffement climatique
Évidemment le président ignore que depuis l’origine de l’humanité l’eau est un bien soit non économique (il n’y a pas d’échange quand l’eau est abondante) soit économique mais échangé suivant des procédures d’échange communautaires (partage au sein du village ou de la famille) ou marchands.
Le président ignore aussi le théorème premier de l’économie : il n’y a pas d’échange ni de partage s’il n’y a pas de droit de propriété. Et cela vaut pour l’eau comme pour tout autre bien ou service de nature à satisfaire des besoins. Dans les eaux des oasis personne ne gaspille l’eau. Dans les villes pauvres en eau l’eau se vend et s’achète. En revanche laisser l’accès de l’eau libre, installer de magnifiques pompes dans le Sahel pour que tout le monde puisse se servir, c’est épuiser le puits en rien de temps, car ce qui est à tous n’est à personne, c’est une prime au gaspillage et à l’irresponsabilité.
En fait admettre que tout bien ou service soit géré collectivement c’est accepter la pénurie, la bureaucratie, le trafic, la servitude, c’est étouffer les êtres humains. La propriété privée est inscrite dans la nature de l’être humain, qui dans le monde animal est le seul à pratiquer l’échange : « L’homme naît propriétaire » disait Bastiat. Oui : s’approprier quelque chose parce qu’on a soi-même contribué à servir les autres n’est que justice et incitation à faire de son mieux, et à démontrer ce dont on est capable. Dans le collectivisme l’individu est un numéro, il n’est pas un acteur, il n’est pas une personne reconnue.
Mais l’essentiel pour Emmanuel n’est pas là. Son ambition est de plaire, et pour ce faire être à la mode, se décerner des brevets d’autosatisfaction, distribuer des milliards qui n’existeront jamais, et attiser la peur sur tous les fronts : de la diplomatie, du climat, des épidémies, des famines, de la démocratie. Il est vrai que pour la démocratie il est menacé par une concurrence déloyale : celle de Madame Hidalgo.
[1] Cf. l’article récent de Jacques Garello dans la Nouvelle Lettre du 23 mars (catégorie Fondamentaux) L’eau n’est pas un bien public, c’est de l’or pur