Notre titre n’est pas original. La plupart des commentaires, en dehors de ceux de l’Elysée et d’une élite dotée d’une intelligence artificielle, vont dans le même sens. En fait, il s’agissait pour le Président de combler un dramatique vide laissé par le retour au pays de Charles III, du pape François et de notre ambassadeur au Niger.
Nous allons cependant essayer de combler le vide de la parole.
Par priorité nous avons remarqué que le Président n’a pas abordé les problèmes « sociétaux », mis à l’écart l’immigration. Il n’a donc pas répondu aux attaques du Pape contre la législation française sur l’avortement et sur la famille, ni surtout au projet de loi sur l’euthanasie, à débattre dès la rentrée parlementaire. Silence aussi sur les relations entre l’Ukraine et les Occidentaux, tout en rappelant très vite que nous étions plutôt du bon côté.
Nous avons aussi remarqué les troubles de mémoire : le président ne se rappelait plus que c’est maintenant la moitié, et non le quart, des Sénateurs qui devait être élus hier dimanche. Il ne se rappelait pas non plus qu’il a annoncé la fin des deux centrales à charbon par trois fois depuis six ans, ni qu’il a fermé la centrale nucléaire de Fessenheim.
Face à ce vide, il y a le trop plein, mais c’est un trop plein de promesses qui sont stupides, destructives ou illusoires. Nous en avons relevé cinq, sans exagérer. Nous donnos souvent la parole au Président, pour ne pas déformer sa riche pensée.
De la vente à perte au prix coûtant
Puisque les sondages font apparaître que le souci majeur des Français est leur pouvoir d’achat, et que la baisse la plus douloureuse de ce pouvoir est la hausse du carburant à la pompe, Emmanuel Macron s’est vu obliger de saluer la créativité (sans doute toute personnelle) de Madame Borne qui a changé son pistolet d’épaule : elle a abandonné la vente à perte pour imaginer le prix coûtant. Cet abandon est dû à la mauvaise volonté des industriels et des distributeurs auxquels le gouvernement avait pourtant fait le cadeau de la vente à perte. Nous avons déjà relevé l’incohérence de ces directeurs de sociétés (en général grandes et anonymes) qui avaient demandé la suppression de la loi interdisant la vente à perte, et qui l’ont refusée une fois que le gouvernement ait déchiré la loi, se substituant d’ailleurs au Parlement puisqu’on est « en état d’urgence »,. De mauvaises langues ont fait courir le bruit que lesdits directeurs n’avaient rien demandé de ce genre, mais peu importe.
Donc, face à cet échec dû à des malversations, Elizabeth Borne a eu l’intelligence de s’adapter et, avec l’aide des savants de Bercy (y compris un ministre) , elle est passée à la vente du carburant à prix coûtant.
Le système est très simple ; on va examiner les comptes de tous les distributeurs et de leurs fournisseurs, et on va repérer les factures qui font apparaître qu’aucune marge n’aura dépassé une « marge » raisonnable. Qu’est-ce qu’une marge ? C’est un profit mais déchargé de son contenu idéologique et puant pour ne contenir qu’une réalité comptable. Qu’est-ce qu’une marge « raisonnable » ? On a entendu le chiffre de quelque 20 ou 30 %, ce qui serait de nature à satisfaire entrepreneurs et actionnaires, mais il faudra faire un ajustement selon les activités, les périodes d’achat et de vente, les coûts de transaction, etc. Mais on peut faire confiance aux contrôleurs de marges. Quels contrôleurs ? Il va certainement falloir embaucher des centaines de fonctionnaires bien formés pour faire le travail, à moins de tirer au sort les marginaux contrôlés. Voilà des emplois créés. Autrement dit une fois de plus on imagine une bureaucratie et une usine à gaz impossible à maîtriser, donc il n’y aura pas de mise en place, sauf à régler leurs comptes à quelques marginaux dans le collimateur du pouvoir en place. Le président n’a pas maché ses mots : « On prendra les 60 directeurs de grandes compagnies un à un jusqu’à ce qu’ils cèdent[1] ». Au passage saluons l’attaque de principe de la liberté d’entreprendre.
Du bouclier thermique au chèque carburant
Quelques naïfs citoyens ont pu croire Bruno Le Maire quand il a annoncé la fin du « quoi qu’il en coûte » et de la distribution de chèques tous azimuts. C’est sans compter sans le désir du gouvernement de lutter contre l’inflation et d’assurer la justice sociale. Demeure parmi ces dispositifs le bouclier thermique, qui devait disparaître mais qui protège les français les plus modestes contre la hausse des prix de l’électricité annoncée pour 10 %. Mais voici apparaître un chèque miraculeux pour faire digérer la hausse des carburants : un chèque de 100 euros par automobiliste au travail. Le Président a sans doute étonné les téléspectateurs en disant qu’il y a des gens qui prennent la voiture pour travailler alors que tant d’autres en font un instrument de loisir au moment où le covoiturage est un comportement écologiquement responsable, et où les villes sont de mieux en mieux équipées deitransports en commun (sur le modèle SNCF sans doute).
Sachez maintenant comment le chèque sera perçu par les bénéficiaires. D’abord il ne sera en circulation qu’en 2024. Ensuite il faudra faire une demande en précisant le numéro d’immatriculation et en joignant une copie de la carte grise. La demande devrait être accompagnée d’un certificat de travail attestant de l’emploi et de son adresse, et de la distance du domicile au lieu de travail. Enfin tous ces éléments devront être contrôlés par l’administration. Voici donc une deuxième cohorte de fonctionnaires qui va compléter celle qui est prévue pour la mesure des marges.
Quant à la population des gens éligibles à ce chèque elle représente la moitié des Français les plus dominés ; soit entre 14.000 à 52.000 euros annuels suivant la composition de la famille (donc il faut donner un numéro fiscal). Nous pensons que les chances de toucher le chèque carburant sont celles de la Loterie Nationale ou d’un jeu de hasard quelconque, qui donnent au moins au joueur le plaisir de miser ou de gratter.
Ici le Président, sans s’en rendre compte assurément, a confondu la démagogie et le mépris pour les gens « assistés ».
De l’immigration à l’insertion
Interpelé par le Pape sur l’immigration Emmanuel Macron a ouvert une piste dont nous ne savons pas où elle mène. La position française mêle harmonieusement solidarité et fermeté : oui aux demandeurs d’asile qui viennent de pays qui menacent la vie ou la religion des personnes, non aux demandeurs d’emplois ou à ceux qui viennent profiter de notre système social (un cas exceptionnel jusque là dans les discours officiels). « Moi, je ne suis pas indifférent et nous devons être humains, accueillir en particulier ceux qui fuient des conflits. Mais on doit aussi être rigoureux parce qu’on a un modèle social qui est généreux et on ne peut pas accueillir toute la misère du monde comme disait un ancien Premier ministre ». Donc, le tri doit être fait à Lampedusa ou en Italie, la consœur Giorgia Meloni étant à la fois sollicitée mais aussi critiquée pour s’être entourée de gens hostiles à l’immigration. D’après la doctrine Darmanin récente, les migrants sans papiers en France devraient être également triés suivant leur travail : sont-ils employés dans les « métiers en tensions », c’est à dire les secteurs qui manquent de main d’œuvre (emplois de proximité, travaux publics, restauration, tourisme, luxe, agriculture, etc) ? Ces secteurs sont caractérisés par des CDI, des salaires souvent très bas, des travaux souvent pénibles, des horaires changeants ou incluant les week-ends : toutes raisons pour dissuader des centaines de milliers de jeunes gens de nationalité française d’aller s’embaucher puisqu’ils ont la possibilité de percevoir pendant assez longtemps des indemnités de chômage assez substantielles. Voilà pourquoi les migrants seraient les bienvenus, et autorisés à avoir des papiers en règle : ils font le travail que les Français ne veulent pas faire.
Le Président s’est-il mal exprimé ? Toujours est-il qu’il a innové en la matière : « Je pense qu’il y a un compromis intelligent, mais {…] pour les métiers en tension, il faut d’abord quand même essayer de faire que ce soit nos compatriotes qui y aillent. On a encore 7 % de chômage et c’est le cœur de la réforme France Travail. […] Il y a des Françaises et des Français qui sont au RSA, qui parfois ont la possibilité d’occuper ces emplois. Il faut les former, les aider parfois au déplacement, au relogement, mais enfin le plus tôt les accompagner sur ces métiers. Voilà bien qui suppose deux démarches nouvelles : d’une part les indemnités chômage seraient supprimées, remplacées par les salaires ou par des stages de formation payés par l’Etat, d’autre part aucun nouveau migrant actuellement à nos frontières ne serait régularisé. Il faudra […] « avoir une politique plus efficace pour mieux instruire les situations et renvoyer plus efficacement dans leur pays les femmes et les hommes qui n’ont pas vocation à rester et en même temps mieux protéger les autres ».
Evidemment tout cela n’est que spéculation : aucun de ces projets ne se réalisera, les jeunes qui n’aiment pas le travail n’iront pas s’embaucher, les indemnités de chômage ne seront pas coupées massivement, seuls quelques contrôles s’opèreront et les « sales boulots » seront toujours faits par des migrants, en règle, ou régularisés, ou sans papier. Mais comme si tout cela était réglé d’avance par le plan, les migrants seraient en insertion dans notre pays, et sur la voie de l’assimilation culturelle, comme les Allemands ont su le faire (jusqu’à l’asphyxie actuelle). On comprend que la pression du Pape n’a aucune chance d’être entendue ni au niveau français ni au niveau européen. Mais on peut toujours parler au présent comme si on était déjà dans l’avenir: gouverner c’est prévoir. La prévision vaut l’action.
Diminuer les impôts mais augmenter les taxes
Le gouvernement a diminué les impôts : pieux mensonge, au mieux il a diminué les impôts de certains ménages, ceux qui ne paient pas d’impôts[2] . mais les impôts dits « de production » qui pèsent sur les entreprises ont été augmentés. D’autre part, il distingue avec le plus grand soin les impôts d’Etat et les impôts locaux. L’Etat a supprimé la taxe d’habitation. Comment ont réagi les élus locaux , privés de recettes budgétaires majeures ? Ils ont compensé en augmentant les taxes foncières. Quand vous avez votre taxe foncière qui augmente, ce n’est pas le gouvernement. C’est votre commune qui le décide. C’est le cas de la mairie de Paris, et d’autres grandes villes, mais il y a eu beaucoup de villes vertueuses, comme Tourcoing (voir Darmanin !) ou Angers.
Et surtout d’autres taxes, qui ne sont pas des impôts, ont augmenté. A la remarque d’Anne-Marie Coudray qui pense que l’Etat pourrait diminuer les taxes sur les carburants à la pompe, Emmanuel Macron commence par un gros mensonge dont il ne peut pas être conscient « Pourquoi l’essence augmente ? Parce que le brut de pétrole augmente. On paye notre dépendance[3]. C’est ça la réalité. […] Nous ne sommes pas producteurs de pétrole. Bon. Depuis le début de l’année 2023, les prix dont le prix du baril a augmenté d’un tiers environ […] C’est la décision de l’Arabie-saoudite d’une part, qui est un gros producteur, l’accord un peu tacite avec la Russie et toutes les tensions que nous connaissons ». Poussé dans ses retranchements, et pressé d’en venir au sujet qui lui est cher, voici comment le Président va esquiver :
« Nos taxes, elles servent à quoi ? Il y a environ 50 % de taxe sur le prix de l’essence. A quoi servent ces taxes ? Pour moitié à financer la transition écologique, c’est-à-dire à financer la rénovation des bâtiments parce qu’on a besoin d’argent public. Nous dépensons aujourd’hui dans notre budget 33 milliards d’euros pour la transition écologique. L’année prochaine, on dépensera 40 milliards d’euros. Donc, est-ce qu’on peut réduire les taxes qui permettent de le financer? Non ».
Et désormais le Président d’égrener tous les bienfaits dus à la Planification Ecologique qui va être présentée dès le lendemain. Après avoir fermé les deux centrales à charbon (ter repetita) on va demander aux Français de changer de voiture : « on doit pousser nos ménages à céder les vieux diesels et les vieux véhicules thermiques, comme on dit pour aller plus vers ou de l’hybride et de l’électrique et progressivement de plus en plus de l’électrique. Mais on doit le faire en étant intelligent, c’est-à-dire en les produisant chez nous, les véhicules et les batteries […] Ce que nous avons fait ces dernières années, c’est qu’on a relocalisé grâce à l’écologie. Et donc nous sommes en train de reproduire des véhicules électriques sur le sol français.
Et voici la conclusion à laquelle les téléspectateurs vont nécessairement adhérer : « la transition écologique, çà marche […] si vous voulez, par rapport au débat sur le pouvoir d’achat qu’on vient d’avoir, l’écologie est la réponse. Vous faudrait-il un argument concret pour vous convaincre pleinement ? « A l’Elysée, il y a 5 ans, quand j’ai été élu, on avait deux centrales. Je vous parle très concrètement parce que l’État doit être exemplaire. On avait deux chaudières au fioul. On les a passées toutes les deux d’abord au gaz, c’est la bonne transition. Ensuite, on a mis en place un système de géothermie. Grâce à ça, on est en train de se passer d’une de ces deux chaudières. Et d’ici à 2024, on va pouvoir faire le froid et le chaud grâce à la géothermie. Bilan des courses: on aura réduit de 80 % les émissions. On aura divisé par 3 la facture. Et en moins de 5 ans, on aura fait un investissement rentable. C’est ce qu’on doit faire partout ».
Démonstration irréfutable, d’une simplicité biblique. Nous n’en dirons pas davantage pour deux raisons. La première c’est que nous attendons d’avoir les détails de la Planification Ecologique, qui est caractéristique de l’ « Ecologie à la Française » que nul pays au monde n’a
[1] Passage mystérieusement disparu dans le communiqué officiel de l’Elysée !
[2] Cf. L’article de J. Garello Pas d’impôt nouveau pour ceux qui n’en paient pas Catégorie Conjoncture, 25 août
[3] Voilà des années que les libéraux protestent contre l’interdiction d’explorer notre sous-sol, qui enferme les réserves de schistes pétrolifères les plus riches d’Europe (interdiction que nous devons à Nathalie Kosciusko- Morizet Ministre de l’Ecologie, du Développement Durable, etc. de Nicolas Sarkozy en 2012).
encore pratiquée : la France est en avance dans tous les domaines. La deuxième c’est qu’une question impudique est posée au Président : pourquoi demander à notre ambassadeur et à nos militaires de quitter le Niger ?
Quitter le Niger ou abandonner l’Afrique ?
La question a de quoi troubler, en effet, alors qu’il y a trois jours seulement l’ordre était donné de rester à Niamey quoi qu’il en coûte – avec les encouragements attendris de l’Elysée puisque notre ambassadeur en était réduit à manger des rations de troupe tandis que notre ambassade était assiégée par la foule[1]. La réponse du président est immédiate, ce qui laisse penser qu’elle ne faisait aucune difficulté. D’une part le Président a été abandonné par l’Union des pays d’Afrique Occidentale, et particulièrement le Nigéria, qui disposait de troupes puissantes ; il avait espéré jusqu’au dernier moment que cette instance et ce pays se mobiliseraient pour la défense de la démocratie. D’autre part la France n’a plus la mission de s’ingérer dans les affaires politiques africaines. Elle a rempli sa mission pacificatrice et elle a défendu les pays africains contre l’invasion islamo-soviétique des soldats de Wagner venant de la Lybie. L’opération Barkhane a été un succès, même si la France a quitté avec discrétion et sans honte le Mali, la Centrafrique. Mais il faut rééquilibrer les relations entre la France et les pays africains : cesser d’apporter une aide importante à ces pays qui ne nous apportent pas la moindre amitié et préfèrent les envahisseurs russes, chinois, américains, indiens à la conquête des ressources naturelles ou de l’influence politique.
Ce changement stratégique sera-t-il confirmé dans les semaines à venir ? Il est évidemment trop tôt pour le dire, mais en tous cas la diplomatie du chef de l’Etat dans son domaine réservé n’a pas été un succès à ce jour. La tendance sera-t-elle inversée lorsque Emmanuel Macron voudra sauver l’Europe après avoir sauvé la France et avant avoir sauvé la planète ? Fort heureusement nous détenons à l’intérieur de nos frontières souveraines plusieurs records : pas seulement ceux des prélèvements obligatoires et des déficits publics, ni celui des jours de grève, mais aussi celui des planificateurs de grande qualité qui préparent le monde nouveau, nous allons découvrir leur message dans quelques heures.
[1] Cf sur ce même thème l’article de Jacques Garello Pourquoi la Françafrique rejette la Francophonie africaine
Catégorie Fondamentaux 2 septembre