Vendredi dernier la Nouvelle Lettre n’avait pas grand mérite à anticiper ce qu’on pouvait
attendre de ce budget : déficit assuré, dette accrue, mesures cosmétiques 1 . Les causes de la nullité étaient évidentes : hausse des impôts pour « les riches », maintien des retraites par
répartition (52% du déficit). Evidemment pas question de réduire la sphère de l’Etat : on
respecte « l’exception française » : jacobinisme, dirigisme, collectivisme 2 .
Hier le Conseil des Ministres a confirmé les attentes ; sa présentation nous a d’abord révélé
que le déficit et la dette étaient bien aussi catastrophiques que prévus. Le Premier Ministre a
expliqué que le gouvernement avait fait tout son possible : d’une part il n’a eu que 15 jours
pour préparer le Projet de Loi de Finances 2025, d’autre part il ne s’agit que d’un Projet, le
Parlement pourra le modifier, la concertation va régner au sein d’un union nationale
retrouvée.
Messieurs Saint Martin et Armand ont fait apprécier la structure de l’effort à consentir : 60 %
de dépenses en moins, 40% de recettes en plus. Pour les dépenses, il ne faut pas trop
s’arrêter aux détails, mais quelques réformes attireront l’attention de ceux qui comptaient
sur les promesses de l’Etat Providence :
– Malus pour les autos diesel mais réduction des aides aux voitures électriques
– Dotation pour les stages d’apprentissage pour les jeunes : diminuée de moitié
– Moindre remboursement des dépenses de consultations médicales
– Diminution des subventions pour l’isolement thermique des logements
– Réduction drastique du nombre de fonctionnaires : 1.400 au total
– Réduction de 500 millions du budget de la justice
– Efforts à supporter par les collectivités locales, notamment les communes
Pour les recettes, les riches vont payer : revenus annuels supérieurs à 100.000 € pour les
individus et 500.000 € pour les couples sans enfants à charge. Mais vont payer aussi les
entreprises. Il y aura une hausse de l’impôt sur les sociétés passant d’un taux actuel de 25 %
à 30 % , voire 35,25 % pour les très grosses sociétés (plus de 3 milliards de chiffre d’affaires),
Cette surtaxe est prévue sur deux ans seulement, on reviendrait à 25 % d’IS en 2027.
D’ailleurs l’horizon 2027 est très éclairci, on revient à 5 % de déficit dès l’an prochain et on
sera exact au rendez-vous de 2008 avec les 3 % exigés par l’Union Européenne.
Voilà évidemment un pieux mensonge, et une sympathique continuité avec les
gouvernements précédents. D’ailleurs, ultime satisfaction, le Ministre de l’Economie
confirme que Bercy demeure attaché à « la politique de l’offre ». Les Français auront ainsi
reçu une bonne leçon d’économie : ils ne doivent plus compter sur les dépenses publiques pour relancer la croissance, le keynésianisme est mort et enterré. Quatre mariages et un
enterrement.
1 Pourquoi nos déficits publics continueront à se creuser. Bercy ignore Laffer, la flat tax ; et le système
de retraites est maintenu. (Actualité 4 octobre)
2 Jean Philippe Feldman « L’exception française, histoire d’une société bloquée de l’Ancien Régime à Emmanuel Macron » (Odile Jacob, éd.2022)