Notre rédaction avait imprudemment dit tout le bien que nous pensions de l’idée de Madame Borne précisée dans le détail concret par Monsieur Le Maire lundi matin[1].
Nous avions sous-estimé l’appât du gain de ces grandes compagnies dont les superprofits sont considérables et qui ne veulent pas assurer leur solidarité dans les périodes difficiles que vivent les Français les plus démunis. ,En effet, voilà que ce matin le gouvernement vient d’annoncer qu’il devait renoncer à l’idée d’oublier la loi sur la vente à perte, qui devait permettre de maintenir le prix du carburant en dessous de 2 euros le litre, voire même de le faire baisser de plusieurs dizaines de centimes.
Ce qui est surprenant est à mes yeux la réaction des diverses parties concernées. J’ai entendu en particulier ce matin sur LCI l’interview de Mr Guillaume Kasbarian, président de la Commission Economie à l ’Assemblée Nationale, député d’Eure et Loir, du parti Renaissance. Ce qui le scandalisait c’est que les industriels du carburant et les dirigeants de certaines grandes surfaces aient refusé la levée de l’interdiction de vente à perte prévue par la loi. Il a employé deux arguments : le premier est que ces personnes avaient demandé la suspension de la loi et auraient dû se féliciter de l’initiative du gouvernement, le deuxième est que la majorité d’une Assemblée Nationale élue démocratiquement ne peut qu’approuver l’initiative du gouvernement issu du même vote.
Je trouve ces deux arguments inadmissibles et même scandaleux. Le plus grave est qu’un Président de Commission n’ait aucun souci de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif. Quand donc, dans une démocratie libre, le Parlement est-il aux ordres du Gouvernement ? Je sais que le texte et la pratique de la Constitution de la 5ème République ont fabriqué des dizaines de générations de députés godillots, et la réforme chiraquienne a aggravé le phénomène (mais elle n’a pas suffi en 2022). Mais je crois que le macronisme fait fi et de la constitution et de la démocratie, puisque les « Conseils Nationaux de la Refondation » ont vocation à proposer des textes de lois à…l’exécutif. C’est la fameuse « démocratie délibérative ».
Quant à l’allusion à une demande des industriels du carburant de demander une infraction à la loi, c’est la parole du député contre celle du président de Total, d’Edouard Leclerc et des dirigeants de Carrefour et Intermarché au minimum.
Voyons en effet ce qui se dit de l’autre côté, celui des fabricants et distributeurs de carburants. Par le truchement de Robert Gantois président de l’Union des Industries Pétrolières (UIP) ils ont marqué leur hostilité à la mesure, au moins pour trois raisons
1° Ils ont le souci d’un commerce équitable et ne veulent pas faire disparaître le réseau des petites stations-service qui couvrent la France rurale en particulier, leur représentant Francis Pousse avait d’ailleurs prédit la ruine totale pour ces commerçants, malgré les compensations que le gouvernement auraient pu leur offrir (L’Etat tue, puis fait un chèque)
2° Ils nient avoir des marges importantes, elles ne sont pas supérieures à 2 ou 3 centimes par litre.
3° Ils dénoncent la démagogie consistant à présenter les grandes compagnies et leurs actionnaires accumulant des superprofits et ne payant pas d’impôt. Des exercices bénéficiaires alternent avec d’autres déficitaires, cela dépend en partie de la valeur du dollar et de la position de l’OPEP. Quant aux actionnaires ils ont engagé leur épargne dans des équipements qui contribuent à la croissance globale, y compris sur le territoire français.
J’ajouterai deux arguments allant dans le même sens. Le premier est que ceux qui font des surprofits avec le carburant sont les gens de Bercy, puisque sur 2 euros payés à la pompe l’Etat perçoit plus d’un euro trente. C’est, je le rappelle, ce que nous appelons « l’impôt d’inflation » : toute hausse des prix hausse les recettes fiscales puisqu’elles varient à coup sûr proportionnellement.
Le deuxième est que le gouvernement qui en appelle aux « responsabilités » (couplet repris par François Bayrou encore ce matin) est lui-même irresponsable puisque c’est son incurie qui explique non seulement la hausse des carburants, mais aussi celle de toutes les formes d’énergie, à travers les accords européens et dans le cadre de la fumeuse « transition énergétique ». L’Etat français a accumulé les dettes, il peut déjà difficilement en assurer le service (45 milliards cette année) Il sera déclassé sans doute et un jour il demandera l’aumône aux contribuables européens, car les contribuables français n’auront plus un sou en poche.
Nos gouvernants devraient raison garder. Leurs discours ne sont que vains mensonges. Et on a dépassé les 2 euros à la pompe de l’Elysée, de Matignon et de Bercy.
[1] Notre article dans la Catégorie Actualité La lutte contre l’inflation est enfin engagée 18 septembre