Eric Zemmour a été l’invité de C News hier matin dimanche. Cette invitation était doublement justifiée : d’une part l’auteur a été empêché par les gauchistes lyonnais de venir à Villeurbanne signer son dernier livre « Je n’ai pas dit mon dernier mot », c’est dire que le terrorisme intellectuel et culturel est bien installé dans notre pays, d’autre part Eric Zemmour a été, à une époque, fortement soutenu par la chaîne qui précisément lutte pour la liberté d’expression et avait été nommément attaquée par Madame la Ministre de la culture. D’ailleurs le partenaire d’Eric Zemmour durant cette émission n’était autre que Mathieu Bock Coté, ce Canadien qui a quitté son pays parce que l’opposition y est bâillonnée.
Il est certain que le journaliste créateur de « Reconquête » (parti auquel on prête 100.000 adhérents) a toujours quelque bonne vérité à dire. En particulier il ne s’est pas privé d’étiqueter Marine Le Pen à gauche à cause de son programme économique. Il a aussi annoncé la disparition du parti LR, en dépit de l’attitude fort courtoise d’Eric Ciotti à son égard. Il a aussi dénoncé les médias, très épris de l’extrême gauche, en particulier Mélenchon (son ancien ami) et la NUPES (qui englobe bien sûr les Verts) dont les violences verbales orientent le peuple, et en particulier les jeunes, vers la révolution. A ce sujet, il a rappelé à juste titre que la gauche ne retient de la Révolution Française que Robespierre, 1793 et la Terreur.
Mais Eric Zemmour voit la grandeur de la Révolution française à travers Napoléon. A ses yeux Napoléon a porté la grandeur de la France à son sommet. Et Zemmour d’entonner pendant un bon quart d’heure son ode à l’identité nationale. Alors qu’on lui demandait son opinion sur la réforme des retraites, ou sur le pouvoir d’achat, ou sur la conduite du gouvernement, il a bien précisé qu’il y avait une priorité absolue : « aujour’hui le peuple se sent minoritaire dans son pays ». L’identité est bien plus importante que le social, qui intéresse surtout « la doxa médiatique »
Certains commentateurs, comme Nicolas Lecaussin (directeur de l’IREF), se sont intéressés aux passages du livre de Zemmour qui se rapportent à l’économie. Dans son interview Zemmour a été plutôt discret sur ce chapitre. Il a rappelé les raisons de s’inquiéter pour l’économie de notre pays : 3.000 milliards d’euros de dette publique, déficit de la balance commerciale, la France n’est plus en état d’auto-suffisance C’est, dit-il que les Français se sont arrêtés de travailler et de produire. La France est devenue « un pays de consommateurs », et les Français ne rêvent que de voitures et de cinéma. Et la France est le pays le plus taxé du monde. On se pince quand on entend Zemmour évoquer en filigrane l’effet Laffer : moins d’impôt c’est plus de travail.
Mais précisément, on trouve bien là les limites de la pensée de Zemmour : il fait dans l’incohérence et dans l’irréalisme. Dans son livre il propose un changement de système économique avec un mélange de libéralisme et de colbertisme. C’est en effet dans la tradition napoléonienne. Quand Jean Baptiste Say, ami de Napoléon, a critiqué le blocus continental envisagé par le futur empereur, il a essayé en vain de lui expliquer que ce qui est important c’est la libre entreprise et le libre-échange, et que l’Etat n’a pas à diriger l’économie. Say a été obligé de s’expatrier en Angleterre pour ne pas être arrêté par Napoléon.
C’est que fondamentalement Zemmour est dirigiste, étatiste, jacobin et souverainiste, comme l’Empereur, comme De Gaulle ses deux grands hommes de l’histoire de France 5à son sens). Il oppose le peuple à l’élite, comme jadis Maurras opposait pays légal et pays réel. Mais donner priorité au patriotisme sur le capitalisme revient à oublier la réalité : nous ne pouvons vivre sans le reste du monde. Si les Français vivent au-dessus de leurs moyens et sans travailler c’est parce que les concurrents étrangers produisent bon marché et maintiennent leur pouvoir d’achat. Evidemment nous n’avons jamais soupçonné Zemmour d’être libéral. Lorsque Pascal Salin a publié son ouvrage sur le capitalisme, Zemmour a cru bon de le ridiculiser dans un article du Figaro en soulignant l’ineptie de la capitalisation !
Pas très bon en économie, Zemmour se veut en revanche expert en stratégie politique. Il reconnaît que son parti ne peut faire le bon travail tout seul et il propose une Confédération, en citant ses amis capables de réaliser « le grand remplacement » : Bellamy, Bardella, Marion Maréchal. Tous unis pour porter la droite au pouvoir en 2027. Zemmour n’a pas dit son dernier mot, il rappelle que De Gaule lui-même n’aurait réalisé qu’en 1958 ce qu’il n’avait pu faire en 1946). Mais pourquoi pas Zemmour en 2027 ? Zemmour est là pour sauver la droite : c’est normal pour cet ancien ami de Chevènement, et Mélanchon. Il est vrai que la droite française n’a jamais choisi le libéralisme.