Dans Contrepoints de ce matin Jean Yves Naudet donne une leçon d’économie très utile, car les Français ne savent pas ce qu’est le profit. Généralement le profit est mal vu. On comprend que le travail soit rémunéré par un salaire, que l’épargne soit rémunérée par un taux d’intérêt, on admet même que le petit entrepreneur fasse un « bénéfice »(prix de vente moins prix d’achat) mais une grosse entreprise ou une grande société ne mérite pas des « super-profits ».
Le fond du problème est que les Français ignorent ce qu’est l’entreprise. Une explication hélas très diffusée dans les manuels scolaires (inspirée par les erreurs de David Ricardo, Franck Knight et Joseph Schumpeter) est que l’entrepreneur prend des risques et que cela vaut bien une rémunération. L’entrepreneur serait un « joueur ». « L’explication est très insuffisante » écrit Jean Yves Naudet, qui nous renvoie à Jean Baptiste Say, économiste et lui-même entrepreneur. « Ce qui légitime le profit pour Say, c’est l’apport spécifique du chef d’entreprise, qui réunit et combine les facteurs de production (travail et capital), et apporte ses propres qualités. En effet, pour Say, l’entrepreneur n’est pas un simple gestionnaire ; il n’est pas plus un savant (qui apporte sa science), ni un ouvrier (ayant un savoir-faire) ;il réunit un savoir et des qualités morales spécifiques « dont la réunion n’est pas commune », qui vont bien au-delà de la gestion ; c’est aussi un innovateur, quelqu’un qui a des capacités d’entreprendre, le génie des affaires, du jugement, de la constance, une connaissance des hommes et des c hoses, le sens de l’initiative et du risque et donc c’est au total un créateur net de valeur. Cette valeur n’aurait pas existé sans lui et il mérite une rémunération spécifique, qui est le profit. »
Comme son maître et collègue Jacques Garello[1], Jean Yves Naudet ose aller encore un peu plus loin que Jean Baptiste Say et rappelle l’argument fourni par Israël Kirzner, naguère professeur à New York Uny : l’art de l’entrepreneur (entrepreneurship) c’est la vigilance (alertness). En observant l’évolution des marchés (prix et profits sont les signaux) il découvre avant les autres de nouvelles manières d’utiliser les ressources productives pour mieux satisfaire les besoins de la communauté. L’analyse de Kirzner est confirmée par Jean Paul II dans Centesimus Annus : « L’Eglise reconnaît le rôle pertinent du profit comme indicateur du bon fonctionnement de l’entreprise. Quand une entreprise génère un profit, cela signifie que les facteurs productifs ont été dûment utilisés et les besoins humains correspondants convenablement satisfaits ». J
Jean Yves Naudet a le mérite de terminer ainsi en liant profit et morale, ses arguments sont réellement convaincants. Nous recommandons de diffuser cet article.
[1] Sur un sujet voisin Jacques Garello a écrit dans la Nouvelle Lettre du 3 décembre 2023 (Fondamentaux) Quel est le taux de marge acceptable par les consommateurs ? Question stupide aux yeux de la science économique : voici pourquoi