Fondés par Coluche et ses amis en 1985 les Restos du cœur ont acquis depuis lors sympathie, réputation et aide spontanée dans la population française. On estime que l’association distribuerait actuellement un tiers de l’aide alimentaire apportée aux personnes dans le besoin. Depuis une émission passée sur TF1 dimanche soir (ce qui prouve le sérieux de l’affaire) le financement des Restos du cœur est d’une actualité sociale et politique sans précédent.
Le Président de l’association, Patrice Douret, a évoqué un « trou d’air » immédiat de 35 millions d’euros, de nature à réduire drastiquement les aides dispensées l’hiver prochain. Immédiatement la Ministre des Solidarités Publiques Aurore Bergé (naguère Présidente de l’Assemblée Nationale) a promis une aide de 15 millions d’euros. Patrice Douret a expliqué le drame actuel par trois causes : l’inflation a renchéri les denrées alimentaires, les Français ont moins donné (une cause en partie liée à la précédente), le nombre de personnes qui dépendent des restos a augmenté. Une réaction immédiate a fait grand bruit : celle de la famille de Bernard Arnault, qui fait un don de 10 millions d’euros.
Comme il fallait s’y attendre dans notre pays où tout est politisé, l’affaire a vite dégénéré. La famille Arnault ayant annoncé ce don, Alexis Corbière (député LFI) a tout de suite réagi : cela représente 0,004 % de leur fortune, ils devraient payer bien plus d’impôts. Au cours d’une émission de LCI ce matin, le délégué pour Paris des Restos a fait une longue incantation sur le nombre croissant des clients du resto du cœur : c’est parce que les salaires ne sont pas à la hauteur, le patronat n’en veut pas, c’est parce que l’on a réduit l’indemnisation du chômage, le gouvernement ne paie plus le minimum vital.
Journaliste dont l’indépendance est reconnue de tous, et qui a heureusement des réflexes libéraux, Pascal Perri est sorti de ses gongs : « Ce n’est pas à l’Etat de nourrir les Français ». En effet c’est en URSS que le peuple attendait le pain quotidien, sans savoir s’il y aurait chaque jour quelque chose ; on fait la queue. Nous en sommes arrivés à un tel point d’indigence intellectuelle qu’il paraît normal que l’Etat prenne en charge tous les malheurs de la terre. Ce n’est plus une intervention ponctuelle, c’est un principe : défense de vivre sans l’Etat. D’ailleurs Pascal Perri allait prendre une autre colère lorsque l’économiste Loïc Chalmel est venu expliquer que le prix des carburants dépendait du prix mondial (Brent) actuellement en hausse ; mais, fait remarquer Perri, les deux tiers du prix à la pompe représentent la taxe sur les produits pétroliers : c’est l’Etat qui régit les prix de l’essence et du gazole, et pas seulement l’OPEP – bien qu’il s’agisse d’un odieux cartel qui tient le monde entier en otage. Et l’impôt de l’Etat rend l’usage de l’automobile trop onéreux pour ceux qui n’habitent pas dans une ville : ce sont les gens les plus modestes et les plus isolés qui payent l’addition.
Finalement la grande affaire est celle des « solidarités publiques » si importantes aux yeux des politiciens qu’il existe actuellement un ministère (aussi justifié que le ministère de la ville, de la transition écologique, du développement durable, etc…) La droite a pratiqué ce jeu aussi bien que la gauche. La grande affaire est que dans un pays libre, à la différence de l’URSS, les solidarités sont privées.
Or, les solidarités publiques finissent par tuer les solidarités privées, pour deux raisons : d’une part le financement des solidarités publiques résulte de l’impôt, et c’est ce qui prive les Français ordinaires de moyens pour aider les personnes à secourir (même si les milliardaires ont encore de quoi être mécènes), d’autre part beaucoup de personnes nourrissent maintenant le sentiment que la solidarité est dans les attributions de l’Etat et qu’ils n’ont plus à s’en occuper (pendant certaines nuits on trouve dans les rues de Paris des blessés dans la rue que personne ne secourt, on découvre la voisine morte une semaine plus tard).
Néanmoins, on ne peut douter des êtres humains, et les libéraux savent que l’esprit de partage est présent chez la plupart d’entre nous. D’ailleurs depuis l’annonce des restos du Cœur, les dons affluent de façon spectaculaire et les 35 millions seront facilement comblés : les Français sont généreux. Comme Pascal Perri l’a rappelé il y a des mécènes sans doute, mais il existe des dons très nombreux pour des associations caritatives. Certaines de ces associations sont très actives, Secours Catholique, Secours Populaire, certaines (comme les « clubs service » Lions Rotary ou autres) collaborent d’ailleurs avec les restos du cœur. Il y a aussi le partage familial, le partage amical, bref toutes occasions de pratiquer et démontrer l’amour du prochain. Nombreuses sont les religions qui poussent à la charité. Mais les marxistes, étatistes et laïcistes préfèrent les « droits sociaux » aux dames patronnesses.
« Solidaire si je le veux » a écrit Alain Laurent[1]. Il n’est de solidarité que personnelle, il n’est de partage que volontaire.
[1] Solitaire si je le veux Alain Laurent , éd ?Hachette 1987