D’un côté il y a ce que la plupart des Français appellent une rente : un revenu durable provenant d’un placement, lui-même financé par une épargne accumulée.
D’un autre côté, il y a la rente telle qu’elle a été conçue par les plus mauvais économistes de l’histoire : des gens ont le privilège de gagner beaucoup d’argent sans rien faire. Les Physiocrates et Ricardo parlent de la rente des propriétaires fonciers, Marx parle de la rente des propriétaires du capital industriel (équipements, machines entre les mains d’un entrepreneur). Le corollaire de cette approche est évident : il y a des gens qui vivent aux crochets des autres, ils ont été en position d’exploiter leur richesse pour devenir encore plus riches, en spoliant les autres d’une partie de ce qu’ils auraient dû avoir.
Dans un pays comme la France, où chacun jalouse la réussite des autres, c’est évidemment la rente d’exploitation qui hante les esprits. L’Etat Providence accentue le phénomène : l’Etat prend dans la poche de Paul pour donner à Pierre, celui qui est spolié par des prélèvements obligatoires massifs critique les subventions et privilèges accordés aux autres (sans qu’on puisse toucher aux siens propres). Cette mentalité a été formulée de façon géniale par Bastiat : « L’Etat est cette grande fiction sociale ç travers laquelle tout le monde croit vivre aux dépens de tout le monde ».
Ces considérations sur la rente expliquent ce qui s’est passé après le discours de Gabriel Attal la semaine dernière 2 avril. A la recherche de quelque 40 milliards ou davantage pour tenir le déficit dans des limites raisonnables pour les agences de notation qui nous font payer le service de la dette publique, le Premier Ministre exclut le recours à tout impôt nouveau. C’est louable, et cela confirme l’objectif que s’est fixé le Président : terminer sa monarchie avec un déficit de 3 % du PIB seulement (on en est à 5,5 % cette année). Voilà donc un bon point, une promesse appréciable si elle n’est pas mensongère .
Il y aura cependant une exception, parfaitement justifiée par la justice sociale : on va taxer les rentes, ces revenus qui ont appauvri la population entière. Mais le Premier Ministre est tout de suite rassurant : « les classes moyennes et les entreprises ne seront pas concernées ». Alors qui va payer ? Les grandes sociétés qui ont réalisé des super profits grâce à l’inflation, au prix de l’énergie, et à toute autre spéculation habituelle dans ce milieu. D’ailleurs avec Bruno Le Maire, la France est partie en croisade contre les grandes sociétés et leurs grands profits, et souhaite que cette norme devienne mondiale.
Ainsi la justice sociale est-elle satisfaite : il faut faire payer les riches, détruire les inégalités, et sanctionner l’exploitation et la spéculation capitalistes.
Là où les choses deviennent plus difficiles à admettre c’est quand on en vient à la liste des rentes visées :
– Les propriétaires de logements loués
– Les personnes payant l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI)
– Les actionnaires des grandes sociétés
– Voire les titulaires de livret A qui cumulent plusieurs placements
Mais on peut être rassuré toutefois : ne sera rente qu’ « un revenu régulier qui n’est pas directement le fruit du travail » Cela suppose que le fisc soit capable d’isoler ce qui dans un patrimoine a pour origine actuelle ou passée ce qui est dû au travail et pas au reste. Evidemment les plans d’épargne des entreprises ne seront pas concernés.
On peut se demander pour quelle raison le Premier Ministre est allé s’embarquer dans cette affaire. Il semblerait que ce soit le moyen d’éviter un échec du gouvernement devant le Parlement en ce qui concerne son projet de diminution des allocations chômage. Aussi bien les LR de Ciotti et la NUPES d’Eric Coquerel Président de la Commission des Finances veulent parer à la manœuvre sur les rentes, car le gouvernement a l’intention de réglementer par décret en court-circuitant le Parlement
C’est une joyeuse farce à laquelle nous assistons.