Depuis ce matin on connaît la cause profonde des « dérapages budgétaires ». Elle a été révélée par Thomas Cazenave, ministre des Comptes publics dans le gouvernement Borne, au cours d’une interview sur la chaîne LCI : les modèles de Bercy ont trompé le gouvernement.
Sans doute celui qui fut l’adjoint direct d’Emmanuel Macron et de Bruno Le Maire avait-il toutes les informations voulues pour savoir ce qui se passait à Bercy. Inspecteur des Finances, Normale Sup, ENA, Professeur à l’Ecole Economique de Paris (PES, dirigée par Piketty), lié au cabinet Lindsay qui conseillait le gouvernement, rien ne pouvait échapper à ce « haut fonctionnaire » : c’était son métier. Ils sont quelques centaines du même profil à gérer l’administration centrale. C’est sans doute l’une des causes des « dérapages budgétaires » : cette élite saint-simonienne a le pouvoir et dirige le pays « scientifiquement ».
C’est cette science que je veux surtout fustiger. Elle s’est développée tout au long du 19ème siècle alors même que des économistes comme Turgot, Jean Baptiste Say et Bastiat diffusaient dans le monde entier un message de liberté d’entreprendre et de liberté d’échanger. La conjonction entre le néo-classicisme d’Alfred Marshall et la Société Fabienne (socialisme réformiste) nous conduit aux années 1930 : la crise de 1929 secrète une nouvelle « science »,dont les grands noms sont Joan Robinson et John Maynard Keynes. Désormais la science économique se réduit à une équation entre variables « globales » comme la courbe d’offre globale, la courbe de demande globale (bien plus intéressante !) et l’inévitable dépense publique, destinée à compenser les insuffisances des dépenses spontanées des consommateurs et des investisseurs. Voilà donc entamé le règne de la macro-économie[1]. Très vite les mathématiques submergent la connaissance économique, et le premier prix Nobel d’économie a pour lauréats deux mathématiciens.
Nous voilà donc dans la « modélisation » : des séries d’équation permettent d’affiner sans cesse ce que l’on croit être la réalité économique, donc ce que l’on peut prévoir : les modèles sont désormais prévisionnels. Il n’est pas jusqu’aux économistes de Chicago pour se livrer aux mêmes illusions, et Milton Friedman (et plus tard Thomas Sowel) reviendront au libéralisme classique, dans sa logique permanente depuis le 12ème siècle : l’économie est le fait d’échanger entre individus ayant des capacités et des goûts personnels : « tout homme est unique et irremplaçable »[2]. C’est Carl Menger et « l’école autrichienne » qui ont eu le mérite de remettre le savoir économique sur ses rails.
Mes considérations n’ont rien de théorique, elles se déclinent facilement en une série de lois économiques : la créativité est étouffée par la fiscalité et la règlementation, les aides publiques et les subventions faussent le niveau des prix et des profits et créent pénuries et excédents, l’administration est incontrôlée parce qu’elle est irresponsable, et ceux qui se croient malins préfèrent les privilèges et les allocations de l’Etat plutôt que l’effort et le mérite, le capital humain s’enfuit à l’étranger, etc.
Interrogé par les journalistes de LCI qui évoquaient les « pays frugaux » qui ont comblé les déficits publics en quelques mois, Thomas Cazenave a plaidé la bonne foi : à l’Elysée, à Matignon et à Bercy il fallait surtout sauver les Français, « quoi qu’il en coûte », et les modèles des Inspecteurs des Finances leur donnaient raison. Accessoirement on préparait aussi les futures échéances électorales pour consolider une majorité très relative…
[1] En réalité la macro-économie a été inventée par les Physiocrates et leur sch »ma de circulation du « produit net » (créé par l’agriculture, unique source de richesse.
[2] Formule de Jean Paul II










