La voiture électrique est-elle la solution d’avenir ? Elle a été la vedette du Salon de l’automobile à Paris. Le Parlement européen a confirmé jeudi dernier sa décision du 8 juin : la vente des voitures à moteur thermique, même d’occasion, sera interdite à partir de 2035.
Qui oserait douter de ce grand progrès ? Certainement des illuminés réactionnaires comme Christian Gérondeau[1]. Mais aussi des économistes et surtout des consommateurs qui constatent qu’actuellement c’est le jeu de la concurrence qui n’est pas respecté. Le seul carburant qui fait avancer les ventes de voitures électriques est l’idéologie écologique. Il en est de la voiture électrique comme des trains de la SNCF : un produit subventionné (et à plus forte raison un monopole public) peut rapporter beaucoup d’argent et d’avantages à ses propriétaires et salariés, même si ses usagers en sont mécontents et voudraient autre chose.
Faiblesses recensées
Il ne fait pas de doute que la technique de la voiture électrique n’est pas encore tout à fait au point. Elon Musk, le propriétaire de Tesla, la marque la plus vendue à ce jour, recommande aux acheteurs de ne pas prendre une autoroute les jours de grand départ : ils devraient appeler des secours pour ne pas marcher à pied sur des kilomètres.
Sans doute la technique pourrait-elle évoluer, mais dans son état actuel la voiture électrique accumule les handicaps : des batteries disposant d’une faible énergie, une vitesse limitée, un plein « rapide » en une demie heure (contre 5 minutes avec du carburant), sa construction et sa commercialisation supposent beaucoup d’émissions de CO2 (inadmissible quand on veut décarboner), son prix d’achat demeure très élevé, revente difficile quand elle suppose un changement onéreux de batteries. En contrepartie la voiture électrique jouit sans doute d’un effet de mode : il est très bien porté de montrer qu’on est en avance d’une idée et qu’on en a les moyens. C’est une voiture de riche. Il est vrai qu’une bonne grève de la CGT dissuade d’acheter une voiture à moteur thermique.
On peut s’étonner d’ailleurs que les gouvernants français aient mis tant d’empressement car d’une part Bercy va perdre les recettes des taxes sur les produits pétroliers (qui ont motivé les gilets jaunes en 2018), d’autre part la production française (Renault Peugeot) a déjà beaucoup de retard et de coûts par rapport aux producteurs étrangers (surtout allemands et chinois), aux subventions il faudra sans doute ajouter quelques règlements protectionnistes (pourquoi pas une norme écologique de plus : la voiture française plus propre, achetez français).
Pas de marché mondial
L’agence Internationale de l’énergie (IEA) utilise sans cesse l’expression « marché mondial de la voiture électrique », pour en dire évidemment tous les avantages et toutes les heureuses perspectives. Mais il n’y a pas de marché mondial, puisque la concurrence n’est pas ouverte. Les prix n’ont aucune signification car les subventions à la recherche, à la production et bien sûr à la vente sont considérables. Il n’y a pas, ou il n’y a pas actuellement, ou il n’y a pas partout dans le monde de marché : il y a, en France en particulier, une planification étatique de la production.
Deux faits donnent à penser. Le premier c’est que la Chine vient d’arrêter les subventions, sans doute parce qu’elle anticipe d’abaisser encore davantage ses coûts de main d’œuvre grâce à son modèle social très exemplaire. Le deuxième c’est qu’il n’y a pas de vente de voiture électrique aux Etats Unis, parce qu’il n’y a aucune subvention. Cette année 95 % des voitures vendues sont thermiques (et surtout des SUV, de quoi enrager les verts).
Le carburant idéologique
L’aide que les politiciens apportent à la voiture électrique est inscrite dans le programme des COP. Elle est dans la logique de la « décarbonation » : l’émission de CO2 par les moteurs thermiques expliquent le réchauffement climatique et les pollutions urbaines.
La France, toujours en tête du progrès, a multiplié les initiatives. Dans son programme pour la présidentielle 2022 Emmanuel Macron a promis une prime de 100 euros par mois à tout acheteur pour permettre aux plus démunis d’accéder à la voiture électrique, qui devient ainsi un signe et un moyen de justice sociale égalitariste. Entre les deux tours, il a souhaité « une France où la voiture électrique pour tous viendra remplacer les coûteux pleins d’essence ». Message entendu par Monsieur Martinez sans doute.
Enfin, et non le moindre la « planification de la transition écologique » est l’objectif majeur du nouveau quinquennat. Madame Borne, premier ministre, en est personnellement responsable, flanquée de deux ministères : il faut aussi savoir mobiliser toutes les intelligences politiciennes. Il faut surtout savoir manipuler les électeurs avec des hochets, et obtenir ce dont tout le monde rêve depuis l’éternité et Karl Marx : la rupture avec le système marchand et avec la liberté.
[1] Christian GERONDEAU La voiture électrique et autres folies : la religion écologiste (éd. L’artilleur, juillet 2002)