Notre Président cultive l’art de tout dire et son contraire. Sans entrer dans le détail de son séjour je voudrais reprendre et éclairer (si possible) trois points majeurs abordés au cours de son voyage au Brésil.
Le premier concerne la grande chaleur de l’amitié scellée avec le dictateur communiste Lula. Je rappelle que cet homme avait été condamné et emprisonné pour corruption, et qu’il a pu se présenter l’an dernier aux élections présidentielles parce que ses avocats ont plaidé avec succès un vice de forme. Lula a ainsi succédé avec une très faible majorité (50,1%) à Jaïr Borsonaro que Macron n’avait cessé de critiquer. Une crise diplomatique très grave s’est produite entre Paris et Brasilia. L’argument important d’Emmanuel Macron était la déforestation de l’Amazonie qui mettait en danger la planète. Borsonaro avait répliqué que la France n’avait pas à s’occuper d’un territoire appartenant au Brésil. Naturellement la pensée unique française s’était déchaînée contre Borsonaro, qui avait eu le malheur de chasser du pouvoir Lula et les communistes qui régnaient depuis douze années. Dans ces conditions les marques d’une amitié soudaine entre Macron et Lula ont pu surprendre. «Certains ont comparé les images de ma visite au Brésil à celles d’un mariage, je leur dis : c’en était un ! La France aime le Brésil et le Brésil aime la France!». Ce commentaire d’Emmanuel Macron fait écho à un message qui a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux : « ils se marient à Rio et partiront en voyage de noces à Paris ».
Le deuxième point concerne l’accord commercial Mercosur. Après les embrassades à Rio, Emmanuel Macron est allé en Amazonie, il va remettre la légion d’honneur à un grand chef indien Raoni, âgé de 90 ans et défenseur des droits des peuples « primaires ». Cela a valu un grand honneur à la France, puisque Raoni a déclaré : «Je considère Lula comme mon frère, Macron comme mon fils». Ensuite le fils de Raoni allait rencontrer les entrepreneurs brésiliens à Brasilia. Beaucoup d’entre eux sont des Français, et de façon générale les entreprises étrangères apprécient beaucoup le pays compte tenu de la qualité de la main d’œuvre et de la complémentarité industrielle qui s’est instaurée, une sorte de Silicone Valley. Nul ne s’attendait à l’offensive de Marcron contre le traité Mercosur. En effet Emmanuel Macron a déclaré « L’accord est très mauvais Bâtissons un nouvel accord », et d’expliquer au public médusé que le Brésil ne peut pas se permettre d’exporter vers l’Europe alors qu’il y a la déforestation de l’Amazonie. Les produits brésiliens ne sont pas « propres ». Evidemment le Président français veut apparaître aux yeux de l’Europe et des Français comme celui qui protège contre l’inégalité des normes écologiques. Il peut rentrer à Paris en ayant l’aval des écologistes et des paysans de tous les pays européens. Pour le moment, aucune chance pour un nouveau traité n’existe, sauf si Lula aligne les normes brésiliennes sur les normes européennes (elles-mêmes en pleine révision).
Le troisième point, et sans doute celui qui a le poids politique le plus lourd, c’est la relation de Lula avec Poutine, et en sa qualité d’un des leaders du « Sud mondial », qui veut en finir avec l’Occident (version radicale) ou au minimum organiser un commerce mondial bi ou tripolaire,
chaque pôle ayant ses propres normes et règles douanières. La tenue du G20 les 18 et 19 novembre 2024 au Brésil met Lula en position de force, mais pourrait être aussi l’occasion d’une explosion du Groupe. Emmanuel Macron est donc plutôt rassurant, Lula lui sert d’intermédiaire avec Poutine.
Mais comment Emmanuel Macron, le vat-en-guerre du côté de l’Ukraine, peut-il s’engager en sens inverse aux côtés de Lula da Silva ? La question me semble ouverte, au moment où l’Ukraine sonne l’alarme : le soutien des Européens et des Etats Unis ne peut plus attendre. En effet le jeu politique et personnel d’Emmanuel Macron est un défi à l’intelligence et à la liberté.