Dès le début Giorgia Meloni a déplu à la presse et à la classe politique françaises1. A la veille des élections générales en Italie (le 24 septembre 2022) Giogia Meloni était déjà présentée comme un danger pour la démocratie et pour l’Europe. Cela ne l’a pas empêchée de remporter très largement la majorité au Sénat et à l’Assemblée. Cette victoire a créé bien des craintes dans l’Hexagone. Titre des journaux : « De quoi « affoler Bruxelles », ou encore « C’est la fin du monde en Vénétie ». La coalition menée par Giorgia Meloni serait au mieux l’équivalent du Rassemblement National en France, et au pire une répétition du coup d’Etat de Mussolini. Car d’une part la coalition aurait eu une composante fasciste : la Lega Nord, d’autre part il y aurait eu trop d’anciens amis de Berlusconi, dictateur libéral, enfin et surtout Madame Meloni avait écrasé la liste de Mario Draghi, l’ami d’Emmanuel Macron avec lequel on pouvait reconstruire une Europe nouvelle. Les Français se devaient de dénoncer la démocratie en danger au-delà des Alpes : n’avait-on pas réduit le nombre de parlementaires de 30 % (seulement 400 députés et 200 sénateurs) ? Enfin les élections sont-elles représentatives dans un pays où 2/3 des sièges sont attribués au scrutin proportionnel national ?
Oui, mais si l’on en croit Gérald Darmanin, notre Ministre de l’Intérieur, le bilan de la Première Ministre italienne est encore plus lourd : voilà qu’elle est tenue pour responsable de l’immigration massive en Europe : sa politique migratoire serait un échec. « Madame Meloni, dont le gouvernement a été choisi par les amis de Madame Le Pen, est incapable de régler les problèmes migratoires sur lesquels elle a été élue ». Le ministre italien des Affaires Etrangères Antonio Tajani a immédiatement fait savoir que « les insultes au gouvernement et à l’Italie proférées par le ministre de l’intérieur Gérard Darmanin sont inacceptables » Et Antonio Tajani d’annuler son voyage à Paris prévu jeudi : « Ce n’est pas l’esprit dans lequel les défis européens communs doivent être abordés. » Il devait rencontrer son homologue française, Catherine Colonna, notamment pour préparer le voyage en France de Giorgia Meloni. Voyage gelé pour l’instant. La rencontre des deux ministres « devait être une étape dans le travail tourmenté de réconciliation pour préparer le voyage très attendu de Giorgia Meloni à l’Élysée». L’Italie attend des excuses, mais pour l’instant Paris a temporisé. Olivier Dusopt, le plus brillant des ministres (quelle autorité, quelle mission ?) a estimé que les Italiens veulent faire cavaliers seuls dans la politique migratoire, alors que tout doit être réglé au niveau européen. La France fait la leçon à l’Italie.
Evidemment nous ne manquons pas de nous interroger sur les aspects les plus surprenants de cette crise diplomatique :
1° A ce jour la France a-t-elle mieux géré la crise migratoire que l’Italie ?
2° L’Europe a-t-elle et aura-t-elle une politique migratoire ?
3° Le problème de la France n’est-il pas que les bateaux de SOS Méditerranée que l’Italie refuse désormais vont se dérouter vers les ports français, comme cela s’est déjà fait avec Toulon ?
Sur ce chapitre, on ne peut reprocher aux Italiens de vouloir partager la charge de l’immigration : 36.000 l’année dernière, contre 6.000 deux ans plus tôt.
Mais le chapitre tout aussi brûlant est celui qui concerne Marine Le Pen et ses amis
1° Darmanin, au cours d’une émission télévisée, déclare : « Meloni, c’est comme la cheffe de file de l’extrême droite en France Marine Le Pen, elle se fait élire sur “vous allez voir ce que vous allez voir” et puis ce qu’on voit c’est que ça (l’immigration) ne s’arrête pas et que ça s’amplifie ». Avec Macron et Darmanin on a vu ce qu’on a vu : toutes les promesses électorales oubliées, la violence et l’insécurité aggravées. Certains stratèges électoraux estiment que l’attaque dirigée contre le Rassemblement National a deux objectifs : reconstituer en vitesse le « front républicain » qui a toujours réussi à ce jour, prévenir le danger d’un ras de marée RN aux européennes ou (éventuellement) à des législatives après dissolution, et continuer à apeurer les électeurs sur la renaissance du fascisme.
2° Les « Amis » de Marine Le Pen sont-ils des fascistes ? La Lega Nord est surtout le parti des Italiens qui travaillent à Turin, Milan, Venise, Bologne, Florence, qui en ont assez d’entretenir les gens du Sud avec leurs impôts mais pire encore avec l’idéologie régnante, celle des cinq étoiles, qui veut une rupture avec le capitalisme. Si le fascisme a existé en Italie c’est avec Mussolini, qui était secrétaire du Parti Socialiste quand il a fait son coup d’Etat.
3° S’il y a un danger pour la démocratie en France, il vient surtout de deux côtés :
- avant tout de la NUPES, car le communisme et l’écologie punitive ont toutes les sympathies dans ce pays, et l’on on admet toutes leurs exactions et leurs haines, passées et présentes
- mais aussi du côté de l’Elysée, car organiser le pays de façon à faire remonter toute la vie de la nation au niveau de l’Etat par un faisceau d’administrations et de peurs est bien caractéristique du fascisme.
Pour nous les propos de Darmanin, comme de la plupart des macroniens et de leurs opposants, n’appartiennent qu’au langage politique et électoraliste. Le problème de l’immigration est ailleurs : c’est l’Etat Providence, l’assistanat et les dépenses publiques qui entretiennent des flux migratoires artificiels. Et c’est l’incapacité de pousser les pays africains à l’entreprise et au commerce mondial qui entretient les dictatures, et au contraire nous cherchons depuis des lustres les faveurs des dictateurs, en Afrique et ailleurs. Restaurons partout la liberté, la responsabilité, le mérite et l’effort : les Européens peuvent-ils relever ce défi ?
1 Cf notre article Actualité du 20 Septembre : Dimanche prochain,
les élections en Italie Le pronostic d’une victoire de l’extrême droite
est-il justifié ?