Tout se passe comme si Emmanuel Macron devait quitter l’Elysée à la fin de l’année : il accumule et accélère les réformes sociétales dans lesquelles il excelle. Après la constitutionnalisation de l’IVG, voici l’aide à mourir, en attendant la PMA, et sans doute quelque autre innovation morale, pourquoi pas l’eugénisme ?
L’annonce de l’aide à mourir a surpris par sa forme : Emmanuel Macron a désiré avoir une interview dans deux quotidiens nationaux : La Croix et Libération. Voulait-il rechercher une caution politique de la droite et de la gauche ?[1] Toujours est-il qu’il n’y pas eu de vrai débat public sur cette réforme, car je ne considère pas la « Convention Citoyenne » nommée et animée par l’Elysée comme une instance représentative du peuple français, et je ne crois pas à la « démocratie délibérative », autre innovation politique. Je n’ai pas non plus une totale confiance dans les avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) . D’ailleurs peu importent les avis, conseils et commentaires qui pourraient advenir dans les jours qui suivent : le gouvernement a déjà fait le calendrier des sessions parlementaires et du vote de la nouvelle loi : on commence à l’assemblée le 27 mai et on votera en automne, a annoncé Gabriel Attal.
Evidemment le projet de loi a été présenté de la façon la plus rassurante qui soit. D’une part, comme pour l’IVG, il s’agit d’une urgence parce que les choses risquent de s’aggraver (mais Macron a dit qu’il y aurait tout le temps voulu pour le vote – en automne). Avec le même argument que pour la loi Veil on veut éviter que des Français soient obligés d’aller à l’étranger pour demander une aide à mourir « On peut penser aux cas de patients atteints d’un cancer au stade terminal qui, pour certains, sont obligés d’aller à l’étranger pour être accompagnés. »
D’autre part, l’aide sera subordonnée à quatre conditions très strictes :
L’aide doit être réservée aux personnes majeures
Les personnes devront être capables d’un discernement plein et entier, ce qui signifie que l’on exclut de cette aide à mourir les patients atteints de maladies psychiatriques ou de maladies neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer.Il faut avoir une maladie incurable et un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme.La personne doit avoir des souffrances physiques ou psychologiques réfractaires, c’est-à-dire que l’on ne peut pas soulager.
Ensuite, « si tous ces critères sont réunis, s’ouvre alors la possibilité pour la personne de demander à pouvoir être aidée afin de mourir. Ensuite, il revient à une équipe médicale de décider, collégialement et en transparence, quelle suite elle donne à cette demande des critères précis, où la décision médicale a son rôle à jouer. »
Enfin, et non le moindre, la corde sentimentale doit pouvoir vibrer : il s’agit d’une loi de fraternité, une loi qui concilie l’autonomie de l’individu et la solidarité de la nation.
Dans La Croix Mgr Moulins-Beaufort, qui a présidé le Conseil Episcopal de France a été choqué par le fait qu’Emmanuel Macron ait triché sur les mots : « Un texte appelé « loi de fraternité », un texte qui couvre à la fois le suicide assisté et l’euthanasie est une tromperie ».
L’éthique commanderait de rejeter ce projet, et certainement une opposition importante va-t-elle s’organiser contre le projet de loi ( à supposer qu’il soit voté par le Parlement). Car le choix entre la vie et la mort est un jugement personnel, la loi n’a pas le droit d’infléchir ce choix par des arguments spécieux. Comme pour l’IVG, l’aide à mourir ne peut devenir un droit social, pris en charge par la Sécurité sociale. Comme pour l’IVG les médecins et aides médicaux ne peuvent perdre leur close de conscience. Mais il est vrai, somme toute, que le règne Macron est marqué par l’oubli et même l’effacement de la dignité de l’être humain.
[1] Je ne crois pas que La Croix soit de droite, mais peu importe.